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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 5

Le jeudi 21 mars 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 21 mars 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Je suis très heureux de le signaler au nom de l'opposition officielle.

La communauté internationale a choisi le 21 mars pour accorder une attention spéciale au fléau qu'est le racisme, ainsi qu'aux efforts déployés pour l'éliminer, car c'est un 21 mars, en 1960, que le massacre de Sharpeville a eu lieu en Afrique du Sud, sous le régime de l'apartheid.

Nous sommes tous conscients des progrès extraordinaires et remarquables qu'on accomplit depuis quelques années dans ce pays, et les Canadiens peuvent s'enorgueillir du fait que cette situation est attribuable en partie au remarquable exemple donné par le gouvernement de l'époque, sous la direction du premier ministre Mulroney, avec l'aide de son excellent ministre des Affaires extérieures, Joe Clark. Malgré une vive opposition d'une grande partie de la communauté internationale, ils ont profité de toutes les occasions, de toutes les tribunes internationales, que ce soit aux Nations Unies, au sein du Commonwealth et de la francophonie ou n'importe où ailleurs, pour promouvoir les droits de la personne, ainsi que la suppression de l'apartheid et du racisme en Afrique du Sud.

S'il y a une question au Canada sur laquelle tout le monde devrait s'entendre, c'est bien celle des droits de la personne. Le bilan du gouvernement Mulroney fait honneur à tous les Canadiens. Ainsi, les honorables sénateurs se rappellent sûrement que c'est un gouvernement conservateur qui a présenté une loi ayant pour objectif de créer la Fondation canadienne des relations raciales. Malheureusement, et chose même surprenante, le gouvernement libéral actuel, qui a pourtant promis de promulguer la mesure législative voulue et de mettre sur pied cette fondation, n'en a rien fait.

Rien ne justifie la discrimination raciale, que ce soit en théorie ou en pratique. Travaillons ensemble, quel que soit le parti qui tient les rênes du pouvoir, pour parvenir au jour où le racisme et la discrimination raciale seront choses du passé et où tous les Canadiens pourront participer pleinement, en toute égalité, à l'essor de leur pays.

Les Pêches et les océans

La rencontre pour discuter des griefs des pêcheurs des Maritimes-Le refus de donner la parole aux parlementaires de l'opposition

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention de cette Chambre sur un récent incident qui devrait tous nous préoccuper un peu, en tant que membres du Parlement du Canada.

Au cours du récent débat sur l'avenir de la pêche côtière en Nouvelle-Écosse et dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, le ministre des Pêches a invité des représentants des divers groupes de pêcheurs à rencontrer des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et à discuter des questions qui avaient suscité les protestations à divers bureaux du ministère dans les deux provinces.

Le ministre a également invité des députés libéraux de la Chambre des communes à assister à ces rencontres. Les pêcheurs ont demandé que des parlementaires de l'opposition originaires de la région, Elsie Wayne et moi-même, soient aussi invités. Le ministère des Pêches et des Océans a eu du mal à s'opposer à la présence de Mme Wayne, mais a résisté à l'invitation d'un membre du Sénat.

Le raisonnement que les fonctionnaires ont invoqué pour refuser la présence d'un sénateur, c'est que nous ne sommes pas membres du Parlement. Heureusement, un certain nombre de pêcheurs qui connaissaient davantage le Parlement ont souligné aux fonctionnaires que le Parlement comprend en fait le Sénat et la Chambre des communes.

Bien que les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans n'aient alors eu d'autre choix que d'autoriser des représentants de l'opposition officielle au Sénat à assister aux rencontres, ils ont fait en sorte de ne pas présenter le sénateur ni de l'inviter à prendre la parole, alors que cette politesse a été faite aux députés de la Chambre des communes.

Je me rends parfaitement compte que les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans sont au service du ministre et non des pêcheurs. Cependant, autoriser un acte aussi flagrant de partialité et de mépris à l'endroit d'un membre du Sénat a témoigné du manque de respect dont le ministère fait preuve à l'égard non seulement de cette institution, mais également des pêcheurs qui avaient demandé que le Sénat soit représenté à ces rencontres.

Peut-on alors s'étonner que les pêcheurs n'aient pas confiance dans le ministère des Pêches et des Océans? Peut-on aussi s'étonner que les pêcheurs doivent recourir à des mesures extrêmes pour attirer l'attention de la population sur leurs préoccupations?

Je ne suis pas naïf, et les pêcheurs non plus. Nous comprenons tous que le ministre ne voulait pas que des parlementaires de l'opposition soient présents à ces réunions pour soutenir les pêcheurs et pour appuyer leurs préoccupations légitimes. Cependant, tenter d'empêcher cette représentation en se livrant à de viles tactiques sectaires a mis dans l'embarras le ministre, le ministère, les pêcheurs et tous les membres de cette Chambre.

Euthanasie et aide au suicide

L'appui du Collège des médecins de famille du Canada aux recommandations du comité spécial du Sénat

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, il est assez rare que l'on témoigne de la reconnaissance au Sénat pour le travail qu'il accomplit.

Il y a quelques mois, après avoir procédé à une longue série d'audiences et à un sérieux examen de conscience, un comité spécial du Sénat a déposé son rapport sur l'euthanasie et l'aide au suicide. Il convient de souligner l'importance que revêtent dans ce rapport les recommandations sur les soins palliatifs.

(1410)

L'an dernier, je me suis abonné à un magazine Canadian Family Physician ou Le Médecin de famille canadien. Pour ma plus grande joie, à la fin, plus précisément à la page 561 du numéro de mars - les pages sont numérotées par volume -, je suis tombé sur cet article dont j'aimerais vous faire part à vous tous, et plus particulièrement aux membres du comité spécial qui ont tant travaillé à la rédaction de leur rapport au Sénat. L'article en question est intitulé «Meilleure formation en soins palliatifs»

Le Collège des médecins de famille du Canada propose une troisième année facultative de formation en internat, qui sera axée sur les soins palliatifs.

C'était une des grandes recommandations de notre rapport.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'était la principale.

Le sénateur Corbin: On peut y lire cette citation:

La plupart des besoins des malades qui souffrent [...]

Le mot «physiquement» est placé entre crochets.

[...] d'anxiété, de dépression et de la peur sont pris en charge par les médecins de famille locaux [...]

tel notre collègue, le sénateur Bonnell ...

[...] qui s'occupent également des survivants affligés», déclare le Dr Richard MacLachlan, un médecin de famille d'Halifax qui est l'auteur du mémoire que le Collège des médecins de famille du Canada a présenté aux audiences du Comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide.

Écoutez bien ceci:

Outre l'amélioration de la formation, le Collège souhaite que l'on donne suite aux recommandations du comité spécial du Sénat.

Voilà donc de quoi nous réjouir. C'est notre récompense pour les longs mois que nous avons consacrés, en comité, à l'étude de ce dossier.

Le budget

L'aide aux jeunes dans les domaines de l'éducation et de l'emploi

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, le budget fédéral de 1996 a suscité beaucoup d'espoir chez de nombreux jeunes Canadiens qui veulent poursuivre des études universitaires et avoir des possibilités d'emplois liés à leurs études. À compter de 1998, le gouvernement fournira aux provinces une aide sûre, stable et croissante répartie sur cinq ans, grâce au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Le TCSPS doit aider les provinces à remplir leurs responsabilités à l'égard de l'enseignement postsecondaire. Grâce à ce nouveau système, les provinces, les universités, les collèges et les étudiants seront mieux en mesure de planifier l'avenir. Le budget comporte des mesures précises qui augmenteront l'aide fiscale aux étudiants ainsi qu'aux conjoints, aux parents et aux grands-parents qui les aident, afin qu'ils puissent tous mieux faire face aux coûts croissants de l'éducation. Ainsi, on encouragera l'enseignement supérieur et le perfectionnement des Canadiens en y affectant un montant additionnel de 165 millions de dollars sur trois ans, grâce à une réaffectation dans le régime fiscal.

Parmi les modifications, il y a notamment une hausse de 25 p. 100 du crédit d'impôt pour études, qui passera de 80 à 100 $ par mois; une hausse de 25 p. 100 du plafond de transfert des crédits pour frais de scolarité et études, des étudiants aux conjoints, aux parents ou aux tuteurs; une hausse du plafond annuel de cotisation au Régime enregistré d'épargne-études de 1 500 à 2 000 $ et du plafond cumulatif de 35 500 à 42 000 $; une plus grande flexibilité à l'égard de la déduction pour frais de garde d'enfants pour les parents à faible revenu qui étudient ou suivent des cours de formation, ce qui contribuera à augmenter leur revenu et à acquérir l'indépendance financière.

Des modifications seront apportées à la Loi sur les prêts aux étudiants afin d'assouplir les modalités de remboursement. De plus, au cours des trois prochaines années, 315 millions de dollars seront prévus au budget pour créer de nouvelles possibilités d'emplois pour les jeunes. D'ailleurs, nous doublons immédiatement l'aide aux emplois d'été pour les étudiants, qui passe de 60 millions à 120 millions de dollars en 1996-1997. Les emplois d'été permettent aux étudiants d'acquérir une expérience pratique inestimable et les aident à assumer les frais de l'année d'études qui suit.

Ces initiatives, qui misent sur l'éducation et les possibilités d'emplois pour les jeunes, les aideront à s'adapter et à réussir dans une économie mondiale.

Le Développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-La nécessité d'une étude anticipée du projet de loi sur l'assurance-emploi

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, certains d'entre vous auront peut-être remarqué que j'insiste sur la question de l'étude anticipée du projet de loi C-12, auparavant le C-111, sur la réforme de l'assurance-emploi.

Mardi, durant la période des questions, j'ai demandé si le gouvernement autoriserait un comité du Sénat à étudier le projet de loi C-12. Voici la réponse que j'ai reçue:

Le processus parlementaire actuellement en place reflète bien les préoccupations que l'honorable sénateur a exprimées ici au Sénat.

Le leader du gouvernement au Sénat a ajouté que, à l'avenir, nous pourrions discuter du travail du comité pour voir où on pourrait aborder le dossier.

Je devrais donc être satisfait du processus actuel, quitte à ce que nous discutions plus tard de la manière dont un comité pourrait aborder la question. Cela me semble tout à fait ridicule. Si je réclame une étude anticipée, c'est parce que le processus ne me satisfait pas. Je n'ai pas besoin de discuter de la manière dont le comité peut aborder la question. Â mon avis, c'est tout vu. Je veux examiner les raisons profondes, poser des questions aux témoins et écouter les préoccupations des Canadiens. Y a-t-il quelque chose d'offensant dans cette approche?

Hier, je suis revenu à la charge, cette fois par une tactique simple de oui ou non. Le gouvernement va-t-il proposer une étude anticipée du projet de loi C-12? Le leader a répondu:

Nous surveillerons l'étude qui sera effectuée à l'autre endroit. [...] Je ne peux répondre oui ou non à l'honorable sénateur aujourd'hui.

Honorables sénateurs, je ne veux pas surveiller ce qui se passe à l'autre endroit. Je veux poser des questions à des témoins. Je veux trouver des solutions aux problèmes qu'éprouvent les Canadiens.

Le leader du gouvernement au Sénat ou un membre de son entourage a laissé entendre à un journaliste que la décision de faire une étude anticipée n'appartenait pas au gouvernement, et que je pouvais prendre cette initiative de mon propre chef.

Comment puis-je le faire, honorables sénateurs? Ne s'agit-il pas d'un projet de loi du gouvernement? Le gouvernement n'a-t-il pas la majorité ici et, plus important encore, dans tous les comités? Si le gouvernement ne veut pas faire d'étude anticipée, celle-ci ne se fera pas. Ce n'est pas compliqué, honorables sénateurs. Mais le gouvernement devrait avoir la décence d'être honnête avec les Canadiens et d'avouer que son idée est faite, que les efforts d'amélioration du projet de loi ne sont pas souhaités, qu'ils sont une perte de temps.

[Français]

Honorables sénateurs, je vais poursuivre de toutes les façons imaginables; je vais employer tous les moyens légaux à ma disposition, tous les moyens parlementaires. J'irai même jusqu'à refuser l'unanimité en cette Chambre lorsque cela se produit.

Je vais le faire jusqu'à ce que la pluralité libérale au Sénat accorde la pré-étude. Je fais appel à tous les sénateurs libéraux de la région de l'Atlantique, et surtout au dernier arrivé en cette Chambre, le sénateur Joseph P. Landry, qui, j'en suis sûr, n'a pas été endoctriné, enrégimenté. Il n'a pas subi la partisanerie libérale de façon à ce que lui et ses collègues du Nouveau-Brunswick, de la région de l'Atlantique et de tout le Canada puissent faire en sorte que l'on ait cette pré-étude dans les plus brefs délais. Ainsi, les citoyens du Nouveau-Brunswick touchés de façon cruelle par ce projet de loi pourront se faire entendre.

Je demande que ce comité, s'il est constitué, se voit accorder les pouvoirs pour entendre les témoignages, au Nouveau-Brunswick et ailleurs, des citoyens intéressés par cette question.

(1420)

L'honorable Eymard G. Corbin: Est-ce que l'on a le droit de faire plus d'une déclaration pendant cette période?

Son Honneur le Président: Je ne connais pas d'empêchement, mais je dois vous dire que la période des Déclarations de sénateurs achève.

Le sénateur Corbin: Si vous voulez me reconnaître, je voudrais réagir à la déclaration du sénateur Simard. Je trouve qu'en général, c'est un homme, un collègue éminemment raisonnable. Mais parfois, je crois qu'il est porté à exagérer et à pencher quelque peu - et je me retiens quand je dis cela - dans des considérations partisanes.

Je suis tout à fait surpris que le sénateur Simard, en ce moment, demande une pré-étude alors que les parlementaires élus de la Chambre des communes sont à la veille d'étudier un projet de loi, alors que le ministre doit finaliser le contenu du projet de loi qu'il a l'intention de présenter à la Chambre.

Notre rôle, au Sénat, n'est pas de nous substituer aux parlementaires élus. Notre rôle, c'est d'examiner, de reconsidérer les projets de loi qui nous parviennent de la Chambre des communes.

Le sénateur Simard, évidemment, a fait de la politique dans la province du Nouveau-Brunswick. Il a été ministre et il a très bien fait à certains égards. Je ne suis pas ici pour le critiquer.

Il me semble que l'on devrait laisser de côté, lors de l'étude de cette question très sérieuse, les considérations d'ordre politique. Ce que le sénateur a dit aujourd'hui peut avoir pour effet d'attirer l'attention des journalistes, qui vont lui donner de très belles manchettes.

Je ne crois pas qu'il y ait un collègue libéral, de ce côté-ci de la Chambre, qui soit moins intéressé à la condition des chômeurs dans notre province du Nouveau-Brunswick qu'il ne l'est lui-même.

Cependant, il y a un processus, une façon parlementaire de faire les choses. Plusieurs d'entre nous ne sommes pas en faveur d'étudier à l'avance des projets de loi qui n'ont pas été adoptés à la Chambre des communes. C'est aussi simple que cela.

En ce qui concerne ce projet de loi et bien d'autres, nous avons suffisamment les mains pleines quand le projet de loi nous arrive. Il nous arrive, bien souvent, dans une forme modifiée que celle dans laquelle il fut présenté à la Chambre des communes.

Je pense que je pourrais, en ce moment, dire au sénateur Simard que dans la personne du ministre du Développement des ressources humaines, M. Young, nous avons un homme qui n'est pas indifférent au sort des chômeurs. Il est vrai qu'il parle parfois comme un cowboy tire du fusil. Mais, vous savez, la condition humaine est ainsi faite que l'on doit s'accepter les uns les autres telle que la nature nous a créés ou telle que l'évolution a voulu que l'on soit.

Je n'aime pas les attaques personnelles à l'endroit de mes collègues. Je n'ai pas l'intention d'attaquer le sénateur Simard, mais parfois j'entends des choses qui me choquent à l'endroit de nos collègues parlementaires de quelque parti qu'ils soient. Nous ne sommes pas ici pour faire des attaques personnelles. Nous sommes ici pour étudier des questions fondamentales et des textes de loi. J'espère que l'on pourra continuer dans cette veine. Laissons de côté les considérations personnelles pour s'en tenir uniquement aux textes, aux propositions gouvernementales qui vont nous arriver sous forme d'un projet de loi sans doute modifié par la Chambre des communes.

C'est notre rôle en ce moment d'aller au fond des choses, si nous voulons vraiment rendre service à notre pays et surtout aux personnes qui souffrent du chômage et qui sont les clients de l'assurance-chômage.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, j'aimerais demander...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, non! Si vous voulez m'excuser, je me permets de faire une intervention à cause de ce que j'ai dit quand le sénateur Corbin s'est levé. Je ne voudrais pas que ce soit un précédent. Je voudrais donc vous lire l'article 22(6) de notre Règlement:

Les sénateurs qui interviennent au cours de cette période ne peuvent parler qu'une fois, et pendant au plus trois minutes. Un sénateur peut toutefois demander la permission de prolonger son intervention.

Je vous rappellerai aussi à l'ordre l'article 22 (4). Je ne vais pas lire tout l'article, mais à la fin de l'article, il est dit:

Les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat.

Je propose donc que l'on termine maintenant, qu'il n'y ait pas de débat et que l'on continue avec l'ordre du jour.

[Traduction]

L'honorable Finlay MacDonald: Votre Honneur, vous venez de répondre à la question que j'étais sur le point de poser. Je trouvais qu'il se passait quelque chose d'inusité. J'ai cru qu'on adoptait un nouvel usage en entamant un débat à la suite d'une déclaration d'un sénateur. La question a maintenant été tirée au clair à ma satisfaction. J'aurais cru le sénateur Corbin mieux avisé.

Son Honneur le Président: Allons-nous maintenant clore la question, honorables sénateurs? Je pense que le Règlement est clair.

Le sénateur Corbin: Votre Honneur, on m'a adressé une critique. L'honorable sénateur MacDonald dit que je devrais être mieux avisé. J'ignorais cette règle, et je ne prétends pas connaître toutes les règles contenues dans le Règlement. J'avais précisément demandé au Président de me conseiller en l'occurrence. Il m'a accordé la parole. Je m'excuse d'avoir accaparé le temps du Sénat. Je suis cependant heureux que l'honorable sénateur ait écouté attentivement ce que j'avais à dire.

Le sénateur Simard: Votre Honneur, je ne veux pas moi non plus établir de précédent. J'ai cependant fait l'objet moi aussi d'une critique. Je suis maintenant la victime d'une autre décision qui établit un précédent. Avec le consentement unanime de mes collègues, j'insiste pour qu'on me permette de répliquer à mon collègue et ami, le sénateur Corbin.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il y a une autre règle que je tiens à vous rappeler. Le Règlement stipule clairement que lorsque le Président est debout, les autres sénateurs demeurent assis.

Des voix: Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Bibliothèque du Parlement

Dépôt du rapport annuel du bibliothécaire du Parlement

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du bibliothécaire du Parlement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1995.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Dépôt du premier rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce rapport porte sur les dépenses engagées par le comité pendant la première session de la trente-cinquième législature.

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 21 mars 1996

    Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

    Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur les juges, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 20 mars 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

    Respectueusement soumis,

La présidente,
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Lewis, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Finances nationales

Dépôt du premier rapport du comité

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales. Ce rapport fait état des dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la trente-cinquième législature.

Ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 59(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 26 mars 1996, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi de crédits no 4 pour 1995-1996

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-21, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1996

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 26 mars 1996.)

Projet de loi de crédits no 1 pour 1996-1997

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-22, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1997.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 26 mars 1996.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58.1(f), je propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 31 mars 1997.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Finances nationales

Avis de motion portant autorisation au comité d'engager du personnel

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 26 mars 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des finances nationales soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur des projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui sont renvoyés.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La Santé

La nécessité de financer le Forum national sur la santé et le Fonds de recherche en services de santé-La position du gouvernement

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, le 20 octobre 1994, on a lancé officiellement le Forum national sur la santé, avec un budget de 12 millions de dollars. Le forum devait trouver des façons d'améliorer la santé des Canadiens, ainsi que l'efficience et l'efficacité des services de santé, et il devait également recommander les mesures à prendre au gouvernement. Depuis, nous n'en avons pas beaucoup entendu parler.

Quoi qu'il en soit, dans son budget de février, le gouvernement a prévu une somme de 60 millions de dollars sur cinq ans pour établir un Fonds de recherche en services de santé. Il servira à déterminer ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans notre système de soins de santé et à décider quelles procédures et interventions il faut évaluer plus en profondeur.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si le Forum national sur la santé a découvert quoi que ce soit au cours de la dernière année et demie de son mandat? Madame le leader pourrait-elle également nous expliquer la différence entre la recherche effectuée par le Forum national sur la santé et celle qui va être entreprise par la nouvelle équipe de recherche en services de santé? Il semble que ce pourrait être des tâches très semblables confiés à deux groupes. Je constate qu'on dépense des millions de dollars - 65 millions à la recherche et 12 millions à un forum - alors qu'on ferme des lits d'hôpitaux et qu'on procède à des compressions tous les jours, dans toutes les provinces, à ma connaissance. Quelle est la différence entre les objectifs de ce forum et ceux de l'équipe de recherche en services de santé?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le Forum national sur la santé, qu'on a créé peu après notre arrivée au pouvoir, est censé être un effort à long terme pour examiner certains des problèmes auxquels le système canadien de santé est confronté, pour trouver d'autres solutions, novatrices, pour mieux assurer les services de santé aux Canadiens, de nos jours et à l'avenir, en fonction de l'évolution de la demande dans notre société. Je reconnais qu'au départ, le forum s'est acquitté de certaines études et de certains travaux préparatoires sans faire trop de bruit.

Cependant, comme mon honorable collègue le sait peut-être, ce forum tient maintenant des audiences publiques dans tout le pays, à divers endroits, dans le cadre d'ateliers et d'assemblées publiques, dans les petites et grosses localités. Ses membres se sont divisés pour obtenir directement l'opinion des Canadiens.

Je veux répondre aux questions de mon honorable collègue sur le Fonds de recherche en services de santé de façon plus détaillée. J'essaierai d'obtenir davantage de renseignements sur la distinction entre les deux. Cependant, il est clair que le second groupe s'occupe plus directement de la recherche en services de santé que de l'étude des questions très larges de politique. J'essaierai d'obtenir une réponse plus détaillée pour mon honorable collègue.

(1440)

Le sénateur Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, je crois comprendre que le leader du gouvernement au Sénat n'a peut-être pas eu le temps d'examiner les mandats des deux organismes, même si le coût de l'équipe de recherche s'élève à 65 millions de dollars. Si vous regardez les objectifs des deux organismes, vous verrez qu'ils sont très semblables dans les deux cas. Je crois qu'il faut préciser une chose au sujet de cette équipe de recherche. Il n'est pas question ici de recherche scientifique ou médicale. Cependant, ce Fonds pour la recherche en services de santé est mentionné dans le discours du budget. Le but est de cerner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le régime canadien de soins de santé, et quelles méthodes et interventions demandent à être mieux évaluées. Cela ressemble beaucoup au mandat du forum national.

Ces dernières années, toutes les provinces ont tenu leur propre forum et ont, en un sens, analysé l'organisation de leur système de santé. Voici que nous avons deux nouveaux wagons sur les rails sans trop savoir ce que sera leur nature au juste.

Je dirai tout d'abord que si les provinces avaient été appelées à participer dès le début au forum national, nous serions peut-être plus avancés. Ensuite, il faut bien veiller à ce que les fonds actuellement consacrés à la santé soient utilisés au mieux. C'est inquiétant de voir qu'on dépense de l'argent pour toutes sortes de projets.

Le sénateur Fairbairn: Je comprends les préoccupations de ma collègue et je puis assurer aux sénateurs que l'une des priorités du ministre des Finances et de ses collègues, ces deux dernières années, dans l'examen des programmes, a été de réduire les doubles emplois. Comme je partage les inquiétudes de ma collègue, je tiens à lui donner une réponse précise. Je vais me renseigner et lui revenir.

 

Le Forum national sur la santé-La raison du changement du délai pour présenter ses rapports-
La position du gouvernement

L'honorable Richard J. Doyle: À propos du Forum national sur la santé, on me dit que son calendrier prévoit qu'un certain nombre de travaux de recherche importants seront terminés d'ici à la fin de 1997, mais qu'on lui a conseillé ce mois-ci d'accélérer les choses et de présenter ses rapports au plus tard à la fin de la présente année. Y a-t-il une raison à cela?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Je me renseignerai pour vous auprès de mon collègue, le nouveau ministre de la Santé. Je sais que le travail du forum a suscité beaucoup d'intérêt et je suis sûre que son rapport sera précieux pour les Canadiens. Plus tôt nous le recevrons et mieux ce sera. Dans la région d'où je viens, les audiences ont suscité récemment une participation enthousiaste de la collectivité. J'ai hâte de lire ce rapport et je vais obtenir une réponse à votre question.

 

Le budget

Les réductions des paiements aux provinces dans le cadre du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux-Les réductions comparables dans les ministères-Demande de précisions

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, dans les documents du ministère des Finances sur le budget, il est dit que le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux garantira une contribution fédérale substantielle et croissante au financement des soins de santé et des autres programmes sociaux. On nous dit qu'il n'y aura pas d'autres réductions des paiements de transfert et que les nouveaux arrangements de financement quinquennaux assureront un soutien élevé et croissant.

La réalité, c'est que, comme nous le savons tous, les paiements de transfert sont fortement réduits, le gouvernement fédéral pelletant son déficit dans la cour des provinces, et ce sont celles-ci qui en ressentiront les effets au cours des prochaines années. Par exemple, les paiements en espèces à ma province, la Saskatchewan, dans le cadre de l'ancien Régime d'assistance publique du Canada et du Financement des programmes établis, quand ils étaient deux postes distincts, s'élevaient à 624 millions de dollars, soit une baisse comparativement à 631 millions de dollars au moment de l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement. L'an prochain, les paiements en espèces tomberont à 510 millions de dollars et, d'ici au tournant du siècle, à 371 millions de dollars, soit la moitié de ce qu'ils étaient au moment où ce gouvernement a été élu.

Je voudrais bien savoir ce que le gouvernement libéral entend par «substantiels et croissants».

Le sénateur MacEachen: Regardez dans le dictionnaire.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Le sénateur sait que le régime des paiements dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été refondu et que le gouvernement a procédé à des compressions dans tous les ministères. Dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des services sociaux, nous avons tout fait pour maintenir le plus possible la protection qu'offrent ces programmes afin que celle-ci ne diminue pas progressivement au fil des ans. Le gouvernement a maintenant affecté 11 milliards de dollars à ce programme pour protéger l'intérêt de tous les Canadiens dans ces programmes.

Le sénateur sait que c'est une question d'équilibre. J'ai dit à maintes reprises que, d'une part, nous avions la responsabilité de mettre de l'ordre dans les finances publiques et que, d'autre part, nous devions le faire graduellement afin de protéger nos programmes sociaux.

Dans le cas du TCSPS, nous donnons aux provinces une certitude pour qu'elles puissent dresser leurs propres plans. Parallèlement, ces paiements de transfert commenceront à croître dans deux ans.

Le sénateur Tkachuk: Je n'ai rien contre le fait que le gouvernement fasse des compressions dans les programmes, mais je m'inquiète du double discours concernant la contribution fédérale importante et croissante ainsi que les sommes garanties. En fait, lorsque le gouvernement actuel a été porté au pouvoir, les transferts aux provinces, pour ces trois programmes, atteignaient 18 milliards de dollars et ils totaliseront maintenant 11 milliards de dollars. Il s'agit là de compressions de 7 milliards de dollars dans l'éducation, les services sociaux et les soins de santé.

Le gouvernement a essayé d'équilibrer le budget, et il faut l'en féliciter, mais il le fait en accablant les provinces. Celles-ci auront à composer avec ces compressions quand elles entreront en vigueur en 1996, dès ce printemps, ainsi qu'en 1997 et en 1998.

Les transferts en espèces aux provinces ont diminué de près de 40 p. 100, mais quels ministères ont subi des compressions comparables? Si l'on impose des compressions aux provinces, il faudrait en imposer à tout l'appareil gouvernemental. Quels ministères ont fait l'objet de réductions aussi importantes?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne peux vous donner une description détaillée des compressions, mais si vous posez la question à un ami du sénateur Gustafson, le ministre de l'Agriculture, vous constaterez que le ministère qu'il dirige a subi des compressions substantielles.

Le sénateur Tkachuk: Il faut accroître les transferts.

Le sénateur Berntson: De l'ordre de 370 millions de dollars.

(1450)

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, vous constaterez aussi que le ministère des Transports a été durement frappé par les compressions. Permettez-moi de situer cette question dans une juste perspective, honorables sénateurs, en tenant compte de la situation non seulement sur la scène fédérale, mais aussi à l'échelle des provinces. Mon honorable collègue sait sûrement que la Saskatchewan a adopté une solution plus progressive que l'Alberta. Cependant, si les honorables sénateurs veulent parler de compressions dans le secteur des soins de santé, on peut dire que l'Alberta y a goûté. Je pense que les Albertains et le gouvernement de leur province se réjouiront de ce que le budget leur donne l'assurance de pouvoir compter sur un financement fédéral stable et prévisible pour les cinq prochaines années.

Le ministre des Finances a traité ces mesures financières très ouvertement. Il n'y a pas eu de surprises dans le budget. Les provinces savent ce qui est prévu. Elles ont la possibilité d'en tenir compte dans leur propre planification.

Je concède au sénateur Tkachuk que c'est difficile de part et d'autre. Le gouvernement a fait un effort particulier pour maintenir ces programmes et pour préserver leurs transferts en espèces jusqu'à concurrence de 11 milliards de dollars, ce qui n'est pas négligeable.

Chaque province canadienne comprend que ces compressions sont nécessaires. On ne peut pas simplifier en disant que le gouvernement fédéral fait cela en accablant les provinces - nous faisons cet effort tous ensemble.

 

La défense nationale

La désignation de l'ancienne BFC Cornwallis comme centre de soutien de l'entraînement de la milice-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, la question que je veux poser au leader du gouvernement au Sénat est beaucoup plus positive. Elle n'a rien à voir avec les compressions budgétaires, mais porte sur l'annonce, faite par le ministre de la Défense nationale, de l'établissement d'un nouveau centre de soutien de l'entraînement de la milice à Valcartier, au Québec. Dans la même annonce, le ministre soulignait que des centres d'entraînement seraient aussi établis dans le Canada atlantique et dans l'Ouest.

La ministre peut-elle nous dire où le gouvernement pense installer ces deux nouveaux centres? Peut-elle nous dire si elle appuierait l'installation de celui du Canada atlantique à l'ancienne base Cornwallis, en Nouvelle-Écosse?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à la question de l'honorable sénateur aujourd'hui.

Je m'intéresse aussi à l'emplacement de ces centres puisque, comme mon collègue, je viens d'une région qui a été durement frappée par la fermeture de bases militaires ces dernières années. J'essaierai d'obtenir les renseignements demandés.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, dans une lettre que le premier ministre a écrite à la population de la région pendant la dernière campagne électorale, il l'avait amenée à croire qu'il établirait une base d'entraînement des forces de maintien de la paix à Cornwallis. Il a fait cela pour gagner l'appui de cette population. Malheureusement, cette base d'entraînement n'a jamais vu le jour et, en plus, la base militaire elle-même a été fermée.

Afin d'aider le premier ministre à rétablir sa bonne réputation au sein de la population de ma région, madame le leader du gouvernement se joindra-t-elle à moi pour encourager le premier ministre à établir un centre de soutien de l'entraînement de la milice à Cornwallis? En retour, j'appuierai l'établissement d'un centre d'entraînement de la milice dans la région de son choix dans l'ouest du Canada.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur. Je transmettrai sa requête.

 

Le Sénat

Le principe de l'étude anticipée des projets de loi-La position du leader du gouvernement au Sénat

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, je veux demander une petite précision au leader du gouvernement au Sénat.

J'ai trouvé très intéressantes la déclaration du sénateur Simard et l'intervention du sénateur Corbin, qui, à mon avis, semblaient vouloir s'engager dans un débat. Toutefois, lorsque j'y ai repensé plus tard, je me suis demandé si le sénateur Corbin, avant que le Président ne l'interrompe, répondait pour le leader du gouvernement sur la question de l'étude anticipée d'un projet de loi. Nous savons tous comment cela a commencé. Même si cela a commencé avant l'époque du sénateur Salter Hayden, c'est à lui que cette façon de procéder a été attribuée. Je connais le point de vue du sénateur MacEachen à cet égard.

Madame le leader du gouvernement au Sénat n'a-t-elle pas encore vu l'avantage de cette façon de procéder? Si elle ne l'a pas vu, je lui écrirai peut-être plus tard pour lui donner une idée des occasions où l'étude anticipée a été utilisée. Habituellement, on y a recours lorsqu'il s'agit de projets de loi particulièrement compliqués ou très techniques. On a largement vanté les mérites de cette façon de procéder au cours des années.

La question que je veux poser au leader du gouvernement est la suivante: devons-nous tenir pour acquis que nous allons étudier les projets de loi en ordre séquentiel? Est-ce donquichottesque de notre part de suggérer une étude anticipée? Madame le leader du gouvernement, et non le sénateur Corbin ni personne d'autre, pourrait-elle nous donner une idée de sa philosophie personnelle en ce qui concerne l'étude anticipée des projets de loi?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas pouvoir faire profiter mon collègue, s'il croit que ce serait profitable, de mes opinions philosophiques sur le sujet en répondant à une question durant la période des questions. Il ne fait pas de doute que, dans le passé, cette façon de procéder a bien fonctionné dans certains cas et peut-être moins bien dans d'autres cas.

Mon collègue est certainement au courant des circonstances qui sont à l'origine des opinions fermes qu'on a sur cette question. Nous préférons certainement que les mesures législatives soient adoptées par la Chambre des communes avant d'arriver au Sénat. Je me souviens d'au moins une occasion où nous avons eu la possibilité d'améliorer peut-être le processus durant un conflit de travail lorsque nous avons été saisis d'une mesure législative d'urgence.

Il faut examiner ces questions attentivement en tenant compte des circonstances propres à chaque situation. Dans le cas dont le sénateur Simard a parlé avec tant d'ardeur cette semaine, le sénateur Graham et d'autres ont eu des discussions avec le ministre à l'autre endroit au sujet de l'état d'avancement de cette mesure législative à la Chambre des communes. Nous espérons être saisis de ce projet de loi sous peu, ce qui donnera suffisamment de temps au Sénat pour contribuer de façon intense et réfléchie au processus.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, est-il possible alors d'espérer que l'étude anticipée soit envisagée selon les circonstances de chaque cas?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, l'espoir est éternel.

 

Le développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-L'étude anticipée du projet de loi sur l'assuarance emploi-La possibilité pour l'opposition de l'entreprendre-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, plus tôt cette semaine, madame le leader du gouvernement au Sénat ou un membre de son entourage a laissé entendre que je pourrais effectuer une étude anticipée du projet de loi C-12 sans l'approbation du gouvernement. C'est du moins ce qu'indique le Telegraph-Journal de Saint-Jean dans son numéro d'aujourd'hui.

(1500)

Madame le leader pourrait-elle m'expliquer comment cela serait possible? Le Règlement, et plus précisément l'article 74, dispose qu'il incombe au gouvernement d'ordonner l'étude anticipée d'un projet de loi d'initiative ministérielle.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est ainsi que les choses se sont faites jusqu'à maintenant.

Le sénateur Bernston: C'est ce que prévoit le Règlement.

Le sénateur Fairbairn: En effet. Je vais lire l'article auquel l'honorable sénateur a fait référence. Je vérifierai auprès du personnel de mon bureau. Les sénateurs ont la liberté de proposer diverses lignes de conduite, mais d'après les règles et la pratique ce genre d'initiative doit venir du parti ministériel.

Le sénateur Berntson: Il doit venir du leader du gouvernement.

 

La réforme de l'assurance-chômage-Demande d'étude anticipée du projet de loi sur l'assurance emploi-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, on nous dit que ce projet de loi doit être approuvé rapidement pour pouvoir être mis en oeuvre à compter du 1er juillet 1996. Considérons les résultats des libéraux au cours des deux dernières années. Nous nous souvenons tous que, en décembre dernier, la majorité libérale a laissé entendre que nous avions besoin d'adopter ces projets de loi de toute urgence. Le Sénat ne pouvait pas les renvoyer même avec de bons amendements, solides et acceptables, parce que la Chambre des communes ne siégeait plus ou ne voulait plus siéger. On nous a menacé de la «guillotine» et de la prorogation.

Étant donné ce qui s'est passé, est-ce que le leader du gouvernement au Sénat et ses collègues ne craignent pas que nous manquions à nouveau de temps au printemps ou à l'été?

Contrairement au sénateur Corbin, non seulement les députés ont du travail à faire, mais les sénateurs aussi ont du travail à faire. Il y a beaucoup de précédents pour des études anticipées. Toutefois, en vertu de l'article 74 du Règlement, cela doit être proposé par votre côté, madame la ministre.

Le leader refuse de donner cet engagement aujourd'hui. Entre maintenant et mardi prochain 26 mars, peut-être que nos collègues vont se réunir à Vancouver ou au Nouveau-Brunswick. Je les invite à venir au Nouveau-Brunswick et à entendre d'anciens libéraux, qui jurent et promettent de défaire le gouvernement et Doug Young lui-même aux prochaines élections. Peut-être que lorsqu'ils auront entendu d'anciens libéraux et d'autres qui veulent améliorer le projet de loi C-12, cela les fera changer d'avis, et peut-être que d'ici mardi, le leader du gouvernement s'engagera à faire faire une étude anticipée de sorte que les Canadiens puissent se faire entendre. C'est ma question.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Simard est un collègue respecté de cette Chambre et je veux être franche avec lui. Sa question a été posée un certain nombre de fois cette semaine. Je n'ai pas essayé de me défiler. J'ai essayé de dire, premièrement, que c'est l'un des projets de loi les plus importants pour le pays. Un travail très important est en cours en ce moment.

Le sénateur Kinsella: Il ne faut pas agir à la va-vite.

Le sénateur Fairbairn: On a demandé aux Canadiens d'entrer en contact avec le nouveau ministre du Développement des ressources humaines et avec le gouvernement, de dire ce qu'ils en pensent et quelles sont les meilleures façons de modifier la mesure législative. C'est quelque chose qui nous intéresse tous.

En raison de la nature du projet de loi, comme je l'ai dit auparavant en réponse au sénateur MacDonald, le leader adjoint et moi-même nous engageons à faire en sorte que le projet de loi vienne au Sénat avec suffisamment de temps pour que les sénateurs entendent des témoins et entendent la population du Nouveau-Brunswick. Naturellement, je m'engage à considérer ce que propose mon collègue, tout comme d'autres sénateurs de ce côté.

J'ai été très franche avec mon collègue. Nous surveillons avec beaucoup d'intérêt les progrès que l'on fait à l'autre endroit. Nous sommes assurés de recevoir la mesure avec suffisamment de temps pour que nous ayons toutes possibilités d'en discuter.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, j'ai un dernier commentaire à faire. Depuis trois jours, le leader du gouvernement au Sénat affirme que cette question fait l'objet de discussions entre les deux leaders au Sénat. Madame le leader nous dit maintenant qu'elle surveille ce qui se passe à la Chambre des communes et qu'elle fera de son mieux.

Si j'ai bien compris les deux Chambres du Parlement, le Sénat ne peut pas dicter à la Chambre des communes ce qu'elle doit faire, ni pendant combien de temps elle peut étudier le projet de loi. Le leader du gouvernement n'a aucun contrôle sur ce qui se passe à la Chambre des communes. Voilà pourquoi nous demandons qu'une annonce soit faite bientôt afin que nous puissions procéder à l'étude anticipée de ce projet de loi, peu importe que l'autre Chambre le garde pendant un, deux ou trois mois.

Madame le leader du gouvernement sait peut-être à l'avance que, le 15 avril, le leader de l'autre endroit imposera la clôture, la guillotine, et qu'elle tentera de faire de même ici.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils sont contre la clôture.

Le sénateur Simard: Ils vont peut-être proroger la Chambre.

Je prends cette question très au sérieux. Je veux que la ministre nous dise, d'ici mardi prochain, qu'elle a examiné tous les arguments et que nous aurons droit à une étude anticipée en vertu de l'article 74 du Règlement.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je sais, comme tous les autres sénateurs en cette Chambre, que le Parlement est divisé en deux parties puissantes, la Chambre des communes et le Sénat. Elles doivent toutes deux légiférer selon le programme du Parlement pour la population du Canada; cette responsabilité est inhérente à leur existence. Je respecte cela et je l'ai toujours fait depuis mon arrivée en cet endroit.

Cependant, je dis aussi aux honorables sénateurs qu'il existe depuis toujours un processus législatif établi entre les deux Chambres. Ceci n'est pas nouveau. De toute évidence, les opinions divergent au Sénat quant au déroulement de ce processus.

Je dois répéter à mon collègue que ce projet de loi nous intéresse au plus haut point. Nous communiquons régulièrement avec les gens qui sont chargés de nous tenir au courant de l'état d'avancement du projet de loi. Je ne ferai pas aujourd'hui une promesse que je ne pourrai pas tenir. Je ne promettrai pas de présenter une motion ici mardi prochain. Je peux promettre aux honorables sénateurs que nous insisterons vigoureusement pour que ce projet de loi parvienne le plus tôt possible au Sénat et ensuite au comité, où mon collègue manifestera un grand intérêt et sera très actif, et certainement pas à la fin de juin. Ce projet de loi sera ici bien avant cette date.

(1510)

Le sénateur Lynch-Staunton: Notez-le bien.

[Français]

 

Transfert aux provinces des fonds et de la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le premier ministre du Québec - malgré que nous ayons avec lui d'énormes différences quant à la comparaison de nos opinions politiques et quant à l'avenir constitutionnel du gouvernement - a démontré qu'il était capable d'aller au-delà de ces différences et d'établir un consensus parmi les différentes factions économiques et sociales du Québec.

En début de semaine, votre collègue le ministre du Développement des ressources humaines, y est allé de l'une de ses déclarations irréfléchie en questionnant, en allant même jusqu'à se moquer du consensus québécois autour de la volonté, maintes fois répétée, d'obtenir tout le champ de la formation de la main-d'oeuvre et de l'ensemble des mesures actives qui sont rattachées à la formation de la main-d'oeuvre. Hier, le premier ministre du Québec et plusieurs voix québécoises, tant du milieu des affaires que du milieu syndical, ont réitéré leur adhésion à ce consensus.

Est-ce que votre gouvernement est prêt à reconnaître qu'il existe au Québec un vaste consensus autour de cette question de la formation de la main-d'oeuvre? Allez-vous de bonne foi entamer et maintenir des discussions pour transférer au Québec tout le champ de la formation de la main-d'oeuvre et les fonds qui doivent normalement être rattachés à cette responsabilité?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le Québec n'est pas la seule province ni le seul gouvernement de ce pays qui cherche à bâtir un consensus et à parvenir à des ententes avec divers segments de la société. Il n'est certainement pas le seul à cet égard.

En ce qui concerne la formation de la main d'oeuvre, le premier ministre et le ministre du Développement des ressources humaines ont été tout à fait clairs: le gouvernement du Canada se retire de ce domaine. Il n'y a pas de doute là-dessus. C'est dans le discours du Trône, dans le budget, et cela a été dit lors du référendum. C'est clair.

Ce qui fait l'objet et va continuer de faire l'objet de discussions, c'est la question du financement en attendant que ce retrait méthodique du domaine de la formation de la main-d'oeuvre se fasse. Par exemple, le nouveau projet de loi sur l'assurance-emploi donne aux provinces la possibilité d'accéder à ces fonds moyennant un cadre mutuellement acceptable pour la reddition des comptes. Cela exige certaines négociations.

Le gouvernement fédéral a dit qu'il n'allait pas tout simplement remettre des fonds en bloc aux provinces. Nous parlons ici des obligations nationales auxquelles il est tenu en vertu de ce programme auquel cotisent les employés et les employeurs dans tout le pays. Le gouvernement a donc une obligation de rendre des comptes à tous ces investisseurs très spéciaux.

Le processus de retrait peut et en fait exigera certaines négociations avec les provinces en ce qui concerne l'utilisation des fonds. Toutefois, le gouvernement fédéral ne remettra pas, sans contrepartie, des fonds dont il a la garde. Tous les Canadiens ont investi de l'argent dans ce fonds. Il faut donc négocier avec soin la façon dont cet argent sera réparti. Une chose est sûre, c'est qu'il ne doit pas être versé aux provinces d'un seul bloc.

 

Les droits de la personne

La création de la Fondation canadienne des relations raciales-Demande de mise à jour

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, dans une déclaration faite un peu plus tôt aujourd'hui, le chef de l'opposition a souligné que, le 21 mars, la communauté internationale célébrait la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Un grand nombre aurait espéré que le gouvernement choisisse cette date pour annoncer la création de la Fondation canadienne des relations raciales qu'il avait promise dans son premier discours du Trône. Cela fait un certain temps qu'on nous a promis cette fondation et nous sommes déjà à la deuxième moitié du mandat du gouvernement.

Le silence qui entoure ce sujet est-il indicatif du fait que le gouvernement est revenu sur sa promesse de créer une fondation des relations raciales? Dans la négative, quand verrons-nous les nominations des dirigeants de la fondation?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant de l'intérêt que porte mon honorable ami à cette question ainsi qu'à la création de cet organisme. Je ne peux pas lui dire quand, mais je peux certainement lui assurer qu'il n'y a pas aujourd'hui matière à conclure que le gouvernement envisage de renier ses engagements. Je vais cependant essayer de me renseigner à son intention.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a parlé du silence du gouvernement à ce sujet qui a donné lieu, probablement lors de la période des déclarations de sénateurs, à plusieurs déclarations très appropriées aujourd'hui à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. J'avais l'intention de faire une déclaration, mais nous étions très nombreux à vouloir prendre la parole à ce moment-là. Je me suis levé plusieurs fois, mais le Président n'a pas été en mesure de me donner la parole avant la fin de la période. Cependant, cela ne veut absolument pas dire que le gouvernement a préféré garder le silence sur cette question.

 


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Au sujet de l'ordre du jour, honorables sénateurs, je demande la permission du Sénat d'apporter une petite correction à notre programme d'aujourd'hui. Hier, le sénateur Murray a entrepris une interpellation majeure sur la situation du secteur houiller au Cap-Breton et sur la politique de la Société de développement du Cap-Breton à cet égard. Le sénateur MacEachen tient absolument à prendre la parole sur cette question aujourd'hui, et je demande la permission de la mettre à l'ordre du jour pour que le sénateur puisse en discuter dès maintenant.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

 

La Nouvelle-Écosse

La situation du secteur houiller du Cap-Breton-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Murray, c.p., attirant l'attention du Sénat sur la situation du secteur houiller du Cap-Breton et sur la politique à cet égard de la Société de développement du Cap-Breton.- (L'honorable sénateur MacEachen, c.p.)

L'honorable Allan J. MacEachen: Honorables sénateurs, les débats sur le secteur houiller du Cap-Breton ne datent pas d'hier au Parlement du Canada. Ces débats ont surgi par la force des choses. Il y a 43 ans, lorsque je suis arrivé à la Chambre des communes, le sujet était brûlant, et un principal porte-parole des intérêts des mineurs du Cap-Breton était le regretté Clarence Gillis, député du CCF. Il avait lui-même été mineur et était doué d'une éloquence naturelle pour soulever les problèmes à la Chambre des communes.

(1520)

Nous avons encore une fois au Parlement du Canada un autre habitant du Cap-Breton qui soulève la question du secteur houiller du Cap-Breton. Il est opportun de le faire en raison de l'inquiétude qui règne actuellement dans les localités tributaires du secteur houiller du Cap-Breton, inquiétude chez les mineurs en particulier et chez ceux qui risquent des mises à pied dans ce secteur. Le débat est approprié et la solution que propose le sénateur Murray, soit qu'un comité du Sénat examine le problème, est également appropriée.

Honorables sénateurs, en guise d'entrée en matière, je désire revenir sur une déclaration que j'ai faite en octobre dernier, lors d'un colloque sur le mouvement Antigonish qui s'est tenu à la St. Francis Xavier University. On m'avait demandé d'ouvrir le colloque et de traiter du thème «Rétrospective du mouvement Antigonish». Dans mes observations, j'ai fait référence à un ouvrage publié en 1953, qui avait été rédigé par George Boyle et qui s'intitulait Father Tompkins of Nova Scotia. M. George Doyle y parlait des vues de M. Tompkins dans le domaine de l'éducation et de sa philosophie sur les moyens d'opérer un changement social.

M. Tompkins a émis des idées avant-gardistes sur le rôle fondamental que joue l'instruction pour préparer les gens à orienter les forces qui contrôlent leur vie et même à changer celles qui l'influencent. J'ai tenté d'illustrer comment ces forces se manifestaient dans les villes charbonnières du Cap-Breton, dans les années 1920 et 1930, en disant:

En juillet dernier, un ami d'enfance qui était déménagé avec ses parents d'Inverness à New Waterford, en 1930, est venu me voir au lac Ainslie. En quittant Inverness pour New Waterford, ces gens savaient bien qu'ils n'allaient pas au paradis, [...]

Je présente mes excuses au sénateur Murray pour cette observation.

[...] mais ils fuyaient les tensions sociales qui faisaient suite à l'échec de la tentative par le prêtre de la paroisse d'ouvrir une nouvelle mine. Mon ami est lui-même un mineur de charbon à la retraite. Nous avons grandi dans le même voisinage, dans des maisons de compagnie, et nous savons ce qu'était la vie dans une ville charbonnière du Cap-Breton dans les années 1920 et 1930. Tranquillement, sans en avoir l'air ni même sans nous en rendre compte, nous avons entrepris une espèce d'étude sociale et économique.

Nous vivions dans la partie nord de la ville dans des maisons de compagnie construites sur un plateau donnant sur le golfe [...]

Je parle du golfe du Saint-Laurent.

Entre les maisons et les magnifiques plages de sable, il y avait les mines de charbon, le carreau, le terril et les rails du chemin de fer pour les wagons de charbon. Tout cela a disparu aujourd'hui, a cédé la place d'abord à des terres à bleuets et à canneberges, puis à pas grand-chose. Une fois à la retraite, après 46 ans sous terre, mon père allait y cueillir des petits fruits, au lieu d'extraire le charbon.

Sur ce terrain qui surplombe le golfe, il y avait trois rangées de maisons de compagnie. Chaque rangée comptait sept maisons, dont chacune renfermait deux logements et chacun de ces logements était identique aux 41 autres. Il n'y avait pas de chauffage central et pas de toilettes intérieures. Il y avait l'eau courante, toutefois, et l'électricité. En fait, comme l'électricité ne coûtait rien, les lampes restaient allumées jour et nuit. C'était une ville spéciale et les visiteurs - les rares personnes qui avaient des automobiles - se demandaient pourquoi il y avait toujours de la lumière, même à trois heures du matin. Eh bien, les maisons étaient chauffées au charbon, qui était vendu aux mineurs à des prix réduits. On avait quand même trop peu d'argent pour acheter du charbon, ou on refusait de l'acheter, de sorte que les garçons allaient en ramasser au terril ou en voler dans les wagons. Nous ne pensions pas que c'était un péché, mais nous ne voulions pas nous faire prendre.

Le salaire d'une journée de travail était de 3 $ ou 3,25 $.

En fait, le salaire de base était de 3,25 $ par jour pour le travail sous terre, et de 2,93 $ par jour pour le travail en surface. Les mineurs à la mine de charbon étaient tous rémunérés selon un taux contractuel, à tant la tonne pour le havage, le torpillage et le chargement. J'ai parlé à mon ami, qui m'a dit avoir des enveloppes de paie que recevait son père en 1935. Il avait fait quatre jours à contrat et un quart de travail au taux de base. Je crois que son salaire net pour cette semaine-là s'élevait à 14 $.

J'ai parlé ce matin à mon ami [...], qui m'a dit: «J'ai des enveloppes de paie que recevait mon père quand il travaillait à Inverness; il gagnait environ 17 $ par semaine. Et rappelle-toi, Allan, qu'ils devaient parfois travailler six jours pour un salaire de cinq jours.» Et vous savez, une fois déduit l'impôt, l'enveloppe de paie hebdomadaire était à la fois un objet de défi et de désespoir pour les femmes de mineurs.

Le programme de travail était régi par un sifflet, qui retentissait chaque soir pour faire savoir aux mineurs s'il y aurait du travail le lendemain. Un coup de sifflet: du travail; deux coups: pas de travail. Les deux coups de sifflets étaient toujours mal accueillis, laissant présager une enveloppe de paie maigre. Eh bien, cet exercice de mémoire, par cet après-midi d'été, nous a confirmé que toutes les familles de ce pâté de maisons vivaient de la mine. Le chef de famille de chacune d'elles travaillait sous terre ou en surface, et la vie de chaque famille dans ce quartier qui donnait sur le golfe était régie par le sifflet. Les marchands, les médecins, le clergé, l'hôpital et le couvent y échappaient, et possédaient également les commodités habituelles, y compris le téléphone. Aucune maison de mineur n'avait le téléphone.

Le lundi, Bill Marsh, qui, comme vous le savez, a été durant longtemps président des Mineurs unis d'Amérique, m'a appelé à propos d'autre chose. Je lui ai dit: «Bill, parlons du sifflet. Un coup: du travail; deux coups: pas de travail.» Et il a dit: «Oui, imagine l'incertitude.» Et il a ajouté qu'on entendait ce sifflet non seulement à Inverness, mais dans toutes les localités minières du Cap Breton, à Sydney Mines, à Glace Bay, à New Waterford, partout.

J'ai conclu mon allocution en disant:

Voilà qui explique en un sens, à mon avis, ce qui motivait le mouvement d'Antigonish.

Le sifflet représentait la voix des forces invisibles qui contrôlaient la vie des mineurs de charbon dans ces localités minières. L'objet du mouvement Antigonish était de comprendre si possible ces forces invisibles.

(1530)

En étudiant le problème du charbon aujourd'hui, après les observations du sénateur Murray sur la culture de l'industrie, il ne faut pas oublier le sifflet de la mine. C'était un symbole. La seule chose sur laquelle on m'ait fait une remarque, après que j'eus terminé ce qui me semblait un exposé plutôt complet sur le mouvement Antigonish, a été mon observation sur le sifflet.

Honorables sénateurs, ceux d'entre vous qui ont vu Margaret's Museum, qui a tellement attiré l'attention des cinéphiles et des critiques, auront eu droit à quelques instantanés de la vie d'une localité charbonnière du Cap-Breton.

Il y avait donc le sifflet. Il était aussi l'expression du drame. Chaque fois qu'il retentissait d'une certaine manière, tous se précipitaient vers la mine pour savoir qui avait été tué ou blessé. Là aussi, il marquait la vie de la collectivité.

Je commence de cette manière pour faire ressentir l'émotion et le drame qui sont indissociables de l'histoire de l'industrie houillère au Cap-Breton. Mais il y a plus. Il y a aussi le sentiment d'appartenance à une collectivité et la camaraderie. Il n'y a rien de plus fort que la solidarité qui se manifestait dans la vie laborieuse des mineurs, rien de plus fort que la solidarité que ressentaient ceux qui vivaient dans les localités minières, même si elles ne vivent plus aujourd'hui de l'exploitation du charbon. En un sens, cela ramène un peu de l'émotion que je ressens lorsque je parle de l'industrie du charbon et lorsque son existence est menacée.

Une autre «tragédie» vient de frapper les localités minières: l'annonce de mises à pied considérables.

Bill Marsh, dans une conversation l'été dernier, m'a dit que la Société de développement du Cap-Breton avait éliminé le sifflet. Effectivement.

Comme vous le savez, l'un des principaux défis qui attendaient le nouveau gouvernement Pearson, en 1963, était la menace de disparition qui pesait sur l'industrie du charbon. Par conséquent, dès le début de son mandat, le gouvernement Pearson a fait appel aux services de M. Donald, dont le rapport a mené à la création d'une société d'État, la Société de développement du Cap-Breton, appuyée par le gouvernement du Canada et celui de la Nouvelle-Écosse. Cette société existe depuis près de 30 ans. Même si le nombre de mineurs a grandement diminué au cours de cette période et n'est plus que de 4 000, la Société de développement du Cap-Breton a donné aux localités minières une stabilité relative.

Le leadership du clairvoyant Tom Kent a aussi mené à l'établissement d'un régime de pension pour les mineurs. Auparavant, il n'existait pas de vrais régimes de pension pour les mineurs. Mon père a travaillé dans les mines de charbon pendant 46 ans. Lorsqu'il a pris sa retraite, il n'avait rien. Il n'avait pas de pension. Les travailleurs aux terrains houillers du comté du Cap-Breton avaient peut-être droit à un meilleur traitement, mais il reste que cette lacune dans l'exploitation des mines de charbon a été comblée par la Société de développement du Cap-Breton, grâce au leadership de Tom Kent.

Honorables sénateurs, certains disent que l'industrie houillère devrait être privatisée. Lorsqu'on a légiféré pour créer la Société de développement du Cap-Breton, on a délaissé la privatisation pour opter pour la régie publique, car le secteur privé était incapable de faire face aux problèmes communautaires et sociaux qu'aurait entraîner l'interruption soudaine de la production dans ce secteur d'activité.

Ce n'est pas parce que MM. Pearson et Stanfield étaient socialistes qu'ils ont opté pour une société d'État. Dans la déclaration qu'il a faite le 29 décembre 1966, M. Pearson a précisé que le gouvernement fédéral savait que le problème que connaissait l'industrie houillère du Cap-Breton était avant tout social. Voici ce qu'il a dit:

Parce qu'il s'inquiète de la situation et du bien-être des citoyens et des localités, le gouvernement fédéral est disposé à grandement aider cette région, dont l'économie est fondée sur des ressources naturelles en déclin, à se doter d'assises économiques plus solides.

Je précise, honorables sénateurs, que si les considérations sociales n'entrent pas dans l'examen du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton, il manquera un élément important du problème. C'est d'ailleurs exactement pour cette raison que le gouvernement du Canada a décidé de poser un geste sans précédent en créant la Société de développement du Cap-Breton.

Le temps passe, honorables sénateurs. Je ne veux pas revenir sur les choses dont le sénateur Murray a si bien traité. Toutefois, je tiens à parler de la déclaration qu'avait faite M. Jean-Luc Pepin lorsqu'il avait présenté le projet de loi, et du projet de loi lui-même.

Dans sa déclaration à la Chambre des communes sur le projet de loi, M. Pepin avait à nouveau expliqué que le gouvernement avait créé la Société de développement du Cap-Breton pour des considérations sociales, soit pour protéger les localités houillères et les mineurs de charbon des conséquences d'une fermeture soudaine des mines. Dans sa déclaration, M. Pearson avait bien précisé que la rationalisation des mines serait liée à la naissance de nouveaux secteurs industriels.

Selon lui, la société de la Couronne recevrait l'ordre de tenir compte de la nécessité d'une adaptation ordonnée, y compris la mise en oeuvre d'un régime généreux de retraite anticipée pour les mineurs, comme le recommandait M. Donald.

(1540)

Dans le préambule au projet de loi - et cela découlait sans doute de négociations serrées avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse - il était dit ceci:

Attendu qu'on estime à 15 ans environ la période réaliste d'activité du gisement houiller de Sydney, dans l'île du Cap-Breton [...]

Intéressant, considérant que les mines ont été exploitées pendant 30 ans. Leurs activités ont baissé progressivement, mais elles n'en constituent pas moins encore une partie essentielle de l'économie de l'île du Cap-Breton et de toute la Nouvelle-Écosse.

J'espère que, lorsque le comité examinera la question, peu importe la forme que prendra l'examen, nous nous souviendrons d'un certain nombre de principes énoncés d'entrée de jeu: premièrement, il s'agit d'un problème essentiellement social; deuxièmement, la réduction des activités doit être associée, d'une certaine manière, à des solutions de rechange économiques, sinon les effets seront dévastateurs.

Honorables sénateurs, le sénateur Murray nous a exposé un certain nombre de problèmes que nous devons examiner. Il nous a donné une bonne idée de la philosophie dont la Société de développement du Cap-Breton s'est inspirée ces dernières années. Toutes les questions sont pertinentes et devraient être examinées par le comité.

Avant de terminer, je voudrais parler d'une lettre que m'a fait parvenir en décembre M. Stephen J. Drake, président du syndicat United Mine Workers. Il dit écrire au nom des travailleurs des mines de charbon du Cap-Breton et de leur famille, au sujet de la conjoncture actuelle et des perspectives d'avenir de l'industrie. Il écrit ceci:

Il reste deux semaines avant Noël et le scénario qui se dessine n'a rien à envier aux histoires de sorcières les plus horribles que l'on puisse imaginer.

Il énumère ensuite huit points de préoccupation - la mine Donkin, la mine Lingan, la mine Prince, la mine Phelan -, il soulève toutes les considérations sociales liées aux pensions et parle de la nouvelle étude de la firme Boyd.

À mon avis, le comité pourrait aussi examiner un certain nombre de ces questions. Il devrait également examiner les inquiétudes des dirigeants syndicaux, le point de vue des municipalités et celui de la direction.

M. Joe Shannon est président du conseil d'administration ainsi que président-directeur général intérimaire de la société. C'est la deuxième fois que le gouvernement lui confie la direction de la société. Il faut examiner son opinion et le point de vue de ses collaborateurs. J'espère que l'examen permettra à toutes les parties concernées de dialoguer mieux qu'actuellement.

J'espère qu'une meilleure communication s'établira entre les gestionnaires, les municipalités et les travailleurs des mines de charbon. C'est indispensable, car il serait très souhaitable que toutes les parties puissent en arriver à un consensus sur les mesures qui permettraient à la société de poursuivre ses activités et de rentabiliser celles-ci davantage tout en respectant les considérations sociales qui sont primordiales dans la recherche d'une solution finale.

Honorables sénateurs, il conviendrait de s'inspirer quelque peu des mots prononcés par M. Pepin au début de son discours à la Chambre des communes le 15 juin 1967. Voici ce qu'il a dit:

Monsieur le Président, j'ai conservé bien précieusement, depuis plusieurs mois, pour l'utiliser aujourd'hui, une citation du London Observer, parue dans le Vancouver Sun du 19 août 1966.

La politique démocratique est l'art de découvrir des principes directeurs à la fois sains et acceptables aux citoyens.

J'espère, honorables sénateurs, que, dans le cas présent, le comité sénatorial peut faciliter - non pas remplacer, mais faciliter - un processus qui se traduira par une politique sensée qui sera acceptable et, plus particulièrement, qui atténuera les craintes des mineurs et de leurs collectivités et qui nous donnera à tous l'espoir que l'industrie houillère du Cap-Breton contribuera au bien-être futur de la population du Cap-Breton.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Berntson, au nom du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

[Français]

 

Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence, soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, ce projet de loi que j'ai aujourd'hui l'honneur de parrainer traite d'une des questions urgentes auxquelles notre société moderne doit faire face, c'est-à-dire l'abus des drogues et le trafic illicite des stupéfiants.

Il s'agit d'un problème très sérieux sur les plans social et humain. L'abus de drogue et la souffrance indescriptible qui en découle ne connaît ni frontière, ni classe socio-économique. L'abus n'offre de pardon à quiconque.

Le trafic illicite de drogues et ceux qui en font leur gagne-pain ont fait énormément de victimes. Et ils continuent d'en faire, plus particulièrement chez un groupe de notre population parmi les plus vulnérables, nos jeunes. Ceux-ci constituent une cible première et privilégée des trafiquants de drogues. Les drogues illicites, faut-il le rappeler, ne sont rien de moins qu'un fléau de notre société moderne, qui brisent les familles, détruisent des carrières, hypothèquent des avenirs, mais, pire encore, mettent fin à des vies humaines.

[Traduction]

(1550)

Honorables sénateurs, le projet de loi C-8 vise à unifier, moderniser, améliorer et rationaliser la législation canadienne réglementant certaines drogues, qui se retrouve actuellement dans deux lois distinctes. Il s'agit de la Loi sur les stupéfiants, ainsi que des parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues. Le projet de loi vise également à permettre au Canada de remplir les obligations qui lui incombent aux termes de trois conventions internationales, soit la Convention unique sur les stupéfiants, la Convention sur les substances psychotropes et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes.

[Français]

L'un des objectifs de ces traités internationaux est d'assurer que les drogues désignées sont utilisées exclusivement à des applications médicales et scientifiques. L'autre est d'aider les gouvernements dans leurs efforts pour prévenir l'abus de drogues et réduire les conséquences néfastes qui en découlent.

Pour que les traités internationaux soient efficaces, les gouvernements indépendants doivent de leur propre chef prendre des décisions en vue d'appliquer les dispositions des conventions internationales et de respecter leurs obligations à l'égard d'autres gouvernements et d'organisations internationales.

Donc, il est essentiel de restreindre la production, la fabrication, l'exportation et l'importation, la distribution et les stocks, le commerce et l'usage, la possession des substances désignées à des applications médicales et scientifiques.

[Traduction]

Voici en quoi consistent les principales dispositions du projet de loi: une réglementation plus complète des substances énumérées aux différentes annexes; la capacité de réglementer les drogues dites de confection; un meilleur système pour s'occuper des substances désignées avant et après les verdicts de culpabilité; des mécanismes de protection pour l'usage légitime des substances désignées à des fins médicales, scientifiques et industrielles; une nouvelle réglementation sur les précurseurs, c'est-à-dire les substances utilisées pour produire les substances désignées; de nouvelles règles relatives à la saisie ou à la confiscation des biens servant ou destinés à servir à commettre des infractions; un système complet sur les perquisitions et les saisies; des directives sur les facteurs aggravants à l'intention des tribunaux; la clarification des pouvoirs des inspecteurs; la création d'un mécanisme d'arbitrage pour les professionnels de la santé ayant commis des infractions se rapportant aux substances désignées; la création d'une nouvelle infraction pour le trafic de la marijuana et du haschisch; la création d'une nouvelle infraction pour la possession de marijuana et de haschisch.

Honorables sénateurs, ce projet de loi complet sur la Loi réglementant certaines drogues et autres substances vise trois grands objectifs: donner au gouvernement la souplesse voulue pour mieux réglementer l'importation, la production, l'exportation, la distribution et l'utilisation des substances désignées; élaborer les mécanismes nécessaires pour respecter nos obligations aux termes des accords internationaux mentionnés tout à l'heure; renforcer la capacité des forces policières et des tribunaux de faire appliquer nos lois.

À cet égard, le projet de loi prévoit la saisie et la confiscation des biens servant à commettre des infractions concernant les substances désignées. Il permet également de bloquer et de confisquer les maisons fortifiées liées aux infractions concernant les substances désignées. Il s'agit habituellement de résidences familiales qui ont été modifiées pour servir au trafic de drogue. Le but de ces modifications est évidemment de retarder ou d'empêcher l'entrée des policiers.

[Français]

Honorables sénateurs, le cadre législatif relatif à la problématique des drogues au Canada a maintenant plus de 30 ans. Des modifications en profondeur s'imposent pour permettre au gouvernement d'assumer efficacement ses responsabilités face aux problèmes actuels et d'anticiper dans la mesure du possible les besoins futurs. Voilà l'objet de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous nous devons d'agir devant l'évidence même d'une situation qui continue de s'aggraver. C'est pourquoi je vous demande d'accorder votre appui à ce projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le projet de loi C-8 est en fait la réincarnation du projet de loi C-7 dont nous étions saisis avant la prorogation. Je crois comprendre qu'il est absolument identique au projet de loi C-7. Nous avons étudié ce projet de loi en comité avant la prorogation. Comme il est identique, comme, à toutes fins pratiques, nous avons déjà exprimé nos opinions au Sénat, à l'étape de la deuxième lecture, au sujet des principes qui sous-tendent ce projet de loi et comme nous avons encore beaucoup d'informations à obtenir des témoins qui se présenteront devant le comité, nous ne nous opposons pas à ce que le projet de loi soit renvoyé au comité maintenant.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Poulin, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

 

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-cinquième législature. - (L'honorable sénateur Berntson). (Deuxième jour de reprise du débat).

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, étant donné le contexte économique actuel et les promesses en vertu desquelles le gouvernement actuel a été élu, le discours du Trône de 1996 n'est ni le document salutaire que l'on avait annoncé, ni un plan d'action suffisant pour le Canada. Il ne contient pas les mesures nécessaires ou suffisantes pour assurer le bien-être des Canadiens.

L'explication la plus modérée de la rupture des promesses du gouvernement a été donnée récemment par Andrew Coyne, dans le Globe and Mail. Il écrivait que les ministres souffrent de troubles de la mémoire et il les comparait à ces patients, dont les cas sont bien documentés par la médecine, qui ne peuvent rien retenir pendant plus de 30 minutes.

Deux choses importantes manquent dans le discours du Trône. La première est une omission complète et la seconde une omission partielle. Il s'agit dans le premier cas des garderies dans lesquelles le livre rouge annonçait des investissements considérables. L'analyse effectuée par l'Institut Carleton indique qu'il y aura en fait une réduction du nombre de places en garderie, pour trois raisons: le retrait de l'aide financière fédérale; la fin du Régime d'assistance publique du Canada, qui assurait un financement paritaire du gouvernement fédéral et des provinces; et le fait qu'en vertu du Programme d'assistance publique du Canada, le partage des coûts visait surtout les services sans but lucratif, cette caractéristique étant essentielle dans les cas des garderies.

L'absence de programme national de garderies constitue une lacune majeure de l'infrastructure sociale au Canada, non seulement à cause de l'importance d'un tel programme pour le développement des enfants, mais aussi parce que l'absence de programme nuit au rendement économique et au développement des ressources humaines, aujourd'hui et dans l'avenir. Les garderies sont un besoin prioritaire parce que les parents de la plupart des enfants au Canada n'ont pas les moyens de se payer des services de garderie réglementés et de bonne qualité ou parce que ces services ne sont tout simplement pas abordables. Il existe un écart considérable entre le nombre de places de garderie disponibles et le nombre de places requis, étant donné qu'il y eu une augmentation considérable du taux de participation de parents ayant de jeunes enfants à la population active. Le nombre d'emplois que l'on pourrait créer grâce aux garderies est aussi considérable.

Parlant d'emplois, c'est la deuxième omission stupéfiante dans le discours du Trône. Le discours du Trône, qui est un chef d'oeuvre de tautologie, dit: «Qui dit société forte dit économie forte.» Cependant, l'économie canadienne n'est pas forte. Malgré une courte reprise due principalement à une augmentation de 53 p. 100 des exportations depuis 1991, la consommation privée, les dépenses du secteur public et l'investissement résidentiel stagnent. Sur les 400 000 emplois qui, selon les prévisions du gouvernement, devaient être créés en 1995, moins de 40 000 emplois ont été effectivement créés.

Le Centre canadien de recherche en politiques de rechange, dans un document intitulé Alternative Budget 1996, attribue cet écart et l'importante diminution du taux de participation à la population active en partie aux compressions budgétaires imposées par le gouvernement, estimant à entre 20 000 et 30 000 le nombre d'emplois supprimés pour chaque réduction des dépenses de 1 milliard. La rigueur budgétaire, les taux d'intérêts élevés et le taux de chômage élevé freinent les dépenses de consommation et les dépenses publiques dont on a désespérément besoin, ce qui, à son tour, contribue au chômage et donc au problème de la dette et du déficit. Selon le centre, le chômage est au centre du problème de la dette et du déficit. Le discours du Trône ne renferme pas de stratégie concertée en matière d'emploi nécessaire pour régler les problèmes de chômage dans une économie qui est loin de créer suffisamment d'emplois.

Le discours du Trône parle de créer des emplois dans le secteur des sciences et de la technologie et parle de principes directeurs visant à rendre l'action fédérale en matière de science et de technologie plus efficace et plus concentrée. Le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie, dans son rapport de 1995 au premier ministre, fait de la création d'emplois un objectif dans le secteur des sciences et de la technologie.

Les ministres ont déjà en fait établi des principes directeurs qui ont donné lieu à des pertes d'emplois par suite des réductions de programmes. Le CCNST a expressément requis une évaluation des laboratoires fédéraux par un comité externe d'examen indépendant avant que ces laboratoires ne soient éliminés en bloc. Il a encouragé le gouvernement à former des partenariats avec les universités et l'industrie pour poursuivre le travail précieux des organismes fédéraux de recherche.

Plus important encore, si le développement de la technologie dans le domaine de l'aérospatiale, de la biotechnologie et des communications est d'importance capitale, la même chose est vraie pour la recherche fondamentale. Le discours du Trône ne fait état d'aucune protection de la recherche fondamentale dans son énoncé de politique sur la science et la technologie. Des institutions vouées à la recherche fondamentale sont sacrifiées, service après service. Depuis février dernier, la haute direction coupe des postes de scientifique, ferme des stations de recherche et sabre dans les bourses de recherche des universités.

En passant, cette tendance ne se constate pas qu'au gouvernement. Dans un document qu'Industrie Canada doit publier bientôt, Mme Sylvia Ostrey fait remarquer que de plus en plus d'entreprises privées canadiennes sont obligées de fermer leurs portes dans ce domaine. L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada avait avisé le Parlement, dans son mémoire, des répercussions à prévoir à la suite de la fermeture d'institutions de recherche.

Sans de telles institutions, nous n'aurions jamais pu obtenir des récoltes de pêches qui valent des millions, dans le sud de l'Ontario. Le scientifique qui a mis au point les variétés en question ne sera bientôt plus qu'une autre statistique dans les résultats du programme de compression des effectifs. Nous n'aurions pas diverses marques de blé d'hiver répandues à travers le monde, ni la variété Harus, cultivée par plus de 80 p. 100 des agriculteurs de l'Ontario. Le scientifique qui l'a mise au point pourrait bientôt, lui aussi, perdre son emploi à la station de recherche Harrow. Au Manitoba, ma province, la station Morden perd du personnel. L'unité de parasitologie de l'Institut Maurice-Lamontagne sera également fermée. Nous n'aurions jamais eu les données de l'Institut forestier national de Petawawa, utiles aux fins de la biotechnologie, des travaux sur le réchauffement de la planète et de la génétique, dont la fermeture imminente entraînera également la perte de 80 emplois.

Les scientifiques spécialisés dans la recherche sur les eaux douces des Grands Lacs, les plus grands réservoirs d'eau douce du monde, sont maintenant mis à pied. La recherche sur l'écologie des lacs et de leur poisson sera perdue. Le budget consacré aux recherches sur la région des lacs expérimentaux, réalisées par l'Institut de recherche sur les eaux douces, dont le siège est à Winnipeg, est réduit de 55 p. 100, ce que des scientifiques d'autres pays considèrent comme une catastrophe, non seulement pour l'avenir de la science au Canada, mais pour celui de la science des eaux douces en général.

À Énergie atomique du Canada Limitée, de 400 à 600 postes seront supprimés, dont des scientifiques du laboratoire de diffusion des neutrons d'EACL, où Bertram Brockhouse lauréat du prix Nobel de 1994, a fait son travail de pionnier. EACL se retirera aussi de la recherche sur la fusion d'ici un an, et sa contribution de 70 millions de dollars à l'Observatoire de neutrinos de Sudbury se termine dans trois mois. Seule la recherche directement liée aux réacteurs Candu se poursuivra.

Récemment, un éditorial paru dans le Globe and Mail sous le titre «La recherche pure, un sage investissement» résume bien la situation:

Ce genre de recherche coûte cher et a un faible taux de succès, mais à long terme, elle est la plus porteuse de promesses en matière d'emplois, de bénéfices et d'avantages inimaginables pour la société.

Si, au cours des cinquante dernières années, les gouvernements n'avaient appuyé que la recherche appliquée et la technologie, nous n'aurions peut-être pas les antibiotiques, l'énergie nucléaire, les moteurs à réaction, les fusées, les transistors et les ordinateurs, qui sont le produit non pas de la recherche appliquée mais de véritables découvertes dues à la science pure.

En ce qui concerne la sécurité de l'environnement, le discours du Trône dit que la sécurité des Canadiens passe par la protection de l'environnement. Tous les Canadiens doivent oeuvrer ensemble pour protéger l'environnement. Et pourtant, le financement des programmes basés sur les ressources naturelles est réduit de 50 p. 100, passant de 4,4 p. 100 des dépenses totales du gouvernement à 2,7 p. 100. Dans le budget de 1996, Ressources naturelles Canada subit des compressions de 37,9 p. 100 alors que les Finances bénéficient d'une augmentation de 19,7 p. 100 et qu'Environnement Canada perd 13,3 p. 100 de son budget.

La protection de l'environnement au Canada est menacée par le projet d'harmonisation de la gestion environnementale proposé par le gouvernement et mentionné dans le discours du Trône dans la partie intitulée «Un pays moderne et uni». L'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement a fait une excellente analyse de cette proposition qu'il qualifie de «modèle pour un fédéralisme dysfonctionnel».

La justification de ce projet d'harmonisation, qui est issu du Conseil canadien des ministres de l'environnement, est qu'il résout le problème du chevauchement et du double emploi entre le fédéral et les provinces. Et pourtant, de nombreuses études indépendantes ou faites par le gouvernement au cours des trois dernières années ne révèlent aucun problème grave. En fait, la société de conseil en gestion KPMG, dans une étude faite pour le compte du Conseil canadien des ministres, a conclu que la majorité des chevauchements et des cas de double emploi qui existaient avaient été éliminés.

L'harmonisation rendrait les provinces responsables de l'application des lois fédérales en matière d'environnement partout sauf sur les terres fédérales et aux frontières internationales. On rechercherait dans les lois fédérales et provinciales régissant les secteurs clés que sont les pâtes et papiers, les mines, les raffineries de pétrole et la chasse, les cas supposés de double emploi et de chevauchement. Cela pourrait bien conduire à l'abrogation des lois nationales et à la disparition des normes nationales.

Il y a plus, et c'est plus grave. Le plan lierait le gouvernement si étroitement qu'il ne pourrait rien faire de nouveau pour protéger l'environnement. Toutes les politiques et toutes les normes environnementales, toutes les positions au niveau international, même le matériel éducatif sur les questions nationales comme la qualité de l'air, seraient contrôlés par les provinces et les territoires.

Je cite l'analyse de l'institut:

Le résultat final, s'il fallait que 13 gouvernements différents parviennent à un consensus pour agir sur les questions environnementales d'importance nationale, serait soit une impasse soit des normes d'un niveau suffisamment bas pour être acceptées par le gouvernement le plus réfractaire, c'est-à-dire que le résultat serait «le plus petit commun dénominateur». La seule forme de fédéralisme réformé à laquelle pourrait conduire une telle approche c'est un fédéralisme dysfonctionnel.

Toutes les initiatives se concluraient sans examen par le Parlement et sans débat public. Tout se passerait au niveau des hauts fonctionnaires, au cours de réunions à huis clos. C'est un plan extrêmement dangereux. Ce n'est pas un modèle de fédéralisme renouvelé, c'est une abdication.

L'unité nationale, la puissance économique, la protection de l'environnement et la sécurité ne peuvent pas être obtenues par la destruction des institutions, des pratiques et des relations fédérales-provinciales établies au cours des dernières décennies. Je pense qu'il est juste, mais quelque peu tragique, que l'opposition à ces principes mal pensés de décentralisation et d'harmonisation massives viennent de journalistes comme Andrew Coyne et Dalton Camp, deux conservateurs de types très différents, car elle ne peut venir de l'opposition bicéphale que l'on trouve à la Chambre des communes.

J'espère que les sénateurs de ce côté, conformément aux sentiments de critique constructive énoncés par le leader de l'opposition plus tôt dans ce débat sur le discours du Trône, pourront soumettre ces hérésies actuelles, si répandues dans notre pays, à un examen attentif, une analyse sensible et, si nécessaire, au rejet qu'une telle initiative si richement mérite.

En résumé, même si je félicite le gouvernement de son choix de thème dans le discours du Trône - sécurité de l'environnement, unité nationale et identité -, ces idéaux ne peuvent naître sans un leadership fédéral fort sur le plan pratique autant que théorique.

(1610)

L'honorable Landon Pearson: J'interviens aujourd'hui pour attirer votre attention sur le bref paragraphe du discours du Trône qui porte sur la politique étrangère, où il est question des droits des enfants. Je voudrais profiter de cette occasion pour montrer comment la protection des droits des enfants est liée aux principaux objectifs que le gouvernement a fixés en matière de politique étrangère, l'année dernière, dans sa réponse au rapport du comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada. Vous vous souviendrez peut-être que ces objectifs étaient la promotion de la prospérité et de l'emploi, la protection de notre sécurité dans un cadre mondial stable et la projection des valeurs et de la culture canadiennes.

Voici ce que le Gouverneur général a déclaré dans le discours du Trône au sujet de la politique étrangère canadienne:

Dans un monde interdépendant comme le nôtre, le désir de vivre en sécurité nous oblige à jouer un rôle actif sur la scène internationale. Le gouvernement favorisera l'expansion de la démocratie et prônera un plus grand respect des droits de la personne.

Il a poursuivi en disant:

Toujours déterminé à faire avancer les droits de la personne et à faire respecter la dignité humaine, le gouvernement fera des droits de l'enfant une priorité du Canada et cherchera à créer un consensus international pour éliminer l'exploitation des enfants par le travail.

Honorables sénateurs, vous pouvez facilement vous imaginer à quel point j'ai été heureuse d'entendre cette déclaration, mais je reconnais que bien des gens doivent se demander pourquoi on a insisté ainsi sur les droits des enfants. Après tout, nous savons que bien d'autres problèmes requièrent notre attention à l'échelle internationale: l'économie mondiale, la pauvreté, le commerce et la dette, la prolifération des armes, la pollution environnementale, les conflits ethniques, les réfugiés et les personnes déplacées, pour ne nommer que ceux-là. Comment le problème de l'exploitation des enfants par le travail et les autres abus des droits des enfants peuvent-ils être placés au même niveau que toutes ces grandes questions?

Je répondrai que je place ces problèmes sur un pied d'égalité avec les autres parce que je suis convaincue que la promotion des droits des enfants, si nous y oeuvrons dans l'esprit de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, aura un effet positif sur la résolution des autres grands problèmes que j'ai cités, alors que le refus d'en faire une priorité ne pourra que les perpétuer.

Prenons par exemple l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile. Eu égard au premier objectif de la politique étrangère du Canada, à savoir la promotion de la prospérité et de l'emploi, il est évident pour quiconque s'est penché sur le dossier que les enfants qui travaillent dans des conditions abominables, dans le secteur du vêtement par exemple ou encore comme domestiques, remplacent souvent des adultes, parfois même leurs parents. Et ils le font au détriment de leur éducation et de leur développement en tant qu'êtres humains.

Que la pauvreté explique la main-d'oeuvre infantile est un mythe. On pourrait dire tout autant que la main-d'oeuvre infantile explique la pauvreté. La vérité, c'est que les deux phénomènes sont liés entre eux. Les enfants qui travaillent de longues heures dans des conditions impitoyables sont à ce point épuisés qu'ils ne pas capables de s'intégrer à un quelconque système éducatif, de sorte qu'ils ne sauront peut-être jamais lire. C'est un fait bien connu que les pays qui présentent un niveau peu élevé d'instruction ont du mal à accéder à la prospérité économique.

Étant donné que le gouvernement libéral s'est engagé à accroître la prospérité mondiale parce que, comme il l'a déclaré dans sa réponse au rapport parlementaire, «lorsque d'autres régions du monde prospèrent, nous en tirons avantage de bien des façons», le fait de promouvoir l'élimination de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile peut être considéré non seulement comme une question qui intéresse les droits de la personne, mais également comme une opération éminemment rentable dans le contexte de la réalisation de l'objectif énoncé.

Le lien entre l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile et le deuxième objectif de la politique étrangère du Canada, à savoir la protection de notre sécurité, peut sembler plus ténu. Néanmoins, ceux qui ont remarqué combien la colère et l'humiliation peuvent couver dans le coeur d'un enfant qui grandit, jusqu'à ce que ces sentiments se traduisent par des actes d'une violence incroyable, ceux-là saisiront le lien. Ceux qui nous préoccupent, ce ne sont pas les enfants assez grands qui travaillent à temps partiel pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leurs familles et qui, ce faisant, acquièrent l'estime de soi, des compétences et le sens des responsabilités. Nous nous inquiétons du sort des enfants de tout âge qu'on prive d'une enfance normale et dont on retarde ou altère le développement, qu'on exploite parce qu'ils sont vulnérables et n'ont pas le pouvoir des adultes. Ce sont eux qui nous préoccupent. Ce sont des enfants qui vont grandir en n'ayant pas de raison de respecter la sécurité des autres. C'est pourquoi l'exploitation des enfants est non seulement répréhensible aux termes de n'importe quel code de valeurs, mais également très dangereuse.

Il y a de nombreux degrés d'exploitation, et ils sont tous inacceptables, mais il y en a qui sont, sans aucun doute, pires que d'autres. On doit interdire toute forme de servitude pour dettes, c'est-à-dire d'esclavage ou de prostitution d'enfants, ainsi que la conscription d'enfants. Les crises dans certains pays, qui font que des enfants sont couramment victimes de mauvais traitements et d'agressions sexuelles, enclenchent ou favorisent un cycle de violence qui, tôt ou tard, constitue une menace pour le monde entier.

[Français]

Il va sans dire que l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine viole les droits de la personne et va à l'encontre de la culture et des valeurs canadiennes que nous espérons diffuser par notre politique étrangère, notre troisième objectif.

En ratifiant la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant - ce magnifique document de promotion des droits de la personne que nous avons contribué à rédiger -, le Canada a accepté de reconnaître, comme stipulé à l'article 32:

[...] le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai peut-être été en mesure de vous convaincre que le respect des droits des enfants est une priorité importante pour la politique étrangère du Canada et que cette question méritait d'être mentionnée dans le discours du Trône. Cependant, il s'agit encore de savoir ce que nous devrions faire pour remédier à cette situation.

Pour en revenir à la question de l'exploitation des enfants par le travail, je peux proposer certaines solutions. Le travail des enfants est une question qui me préoccupe depuis que j'ai été confrontée à ce problème pour la première fois en Inde, au début des années 70, lorsque j'ai passé trois ans à New Delhi en tant qu'épouse d'un membre du service extérieur et j'ai travaillé à titre de bénévole avec des enfants d'ouvriers de la construction. J'ai suivi cette question au fil des ans, et tout récemment, à l'occasion d'un voyage en Inde en janvier, j'ai passé plusieurs jours à visiter des sites de projets, à interroger des chercheurs et des fonctionnaires, à parler avec des représentants d'organisations bénévoles locales et internationales. Avec leur aide, je suis arrivée aux conclusions suivantes.

Tout d'abord, pour libérer les enfants de l'exploitation, nous devons agir avec prudence. Nous devons nous assurer de bien comprendre la complexité de la situation avant d'agir, car l'expérience montre que des actions précipitées peuvent empirer la situation des enfants plutôt que l'améliorer. Ce serait, selon moi, l'effet de sanctions gouvernementales ou de boycotts de la part des consommateurs.

Deuxièmement, nous devrions collaborer avec les autres pays pour maintenir la pression dans ce dossier. Nous pouvons le faire en soulevant régulièrement le problème de l'exploitation des enfants au sein de tous les organismes internationaux dont le Canada fait partie. Il devrait être possible de faire inclure nos préoccupations à cet égard dans le texte de toutes les déclarations et ententes officielles, bilatérales ou multilatérales.

Troisièmement, dans tous les pays où se pose le problème de la main-d'oeuvre enfantine, nous devrions promouvoir un véritable enseignement primaire obligatoire. Des efforts énormes seront nécessaires pour y parvenir, des efforts qui devraient mettre l'accent sur l'éducation des filles. Dans l'État du Kerala, dans le sud de l'Inde, on observe une forte corrélation entre les taux élevés d'alphabétisation chez les hommes et chez les femmes et les faibles taux de main-d'oeuvre enfantine, ainsi qu'un taux de natalité qui est inférieur à celui de la Chine, mais sans déséquilibre entre les garçons et les filles. La conclusion à laquelle on en arrive inévitablement, c'est que l'éducation des filles bénéficie à tout le monde.

Quatrièmement, nous pouvons encourager les entreprises qui font affaires avec des pays où le problème de la main-d'oeuvre enfantine est répandu à se conformer volontairement à un code d'éthique concernant l'emploi des enfants et à inclure un élément de contrôle de la main-d'oeuvre enfantine dans leurs plans d'entreprise. Il existe déjà des modèles à cet égard - des entreprises comme Reebock et The Body Shop. Des organismes non gouvernementaux aident les fournisseurs dans le tiers monde à s'adapter, comme la Fairtrade Foundation en Angleterre et la Max Havelaar Foundation aux Pays-Bas.

Voilà certaines des mesures que le Canada et d'autres pays intéressés peuvent prendre pour remédier au problème de la main-d'oeuvre enfantine, et ces solutions contribueraient également à remédier à d'autres violations des droits de l'enfant. Le problème qui reste à régler, cependant, c'est celui de leur application. Une fois que le Canada a établi ses approches, comment peut-il réussir à promouvoir le droit de l'enfant à ne pas être exploité? Comment pouvons-nous faire en sorte que les enfants jouissent de tous les autres droits garantis par la convention? Je vais proposer quelques suggestions à ce sujet également.

Au cours des quarante années et plus où j'ai été associée au service extérieur canadien, j'ai eu de nombreuses occasions d'observer les points forts du Canada au sein de la communauté internationale. C'est sur la base de ces points forts que nous pouvons agir et, si nous le faisons, je suis convaincue que nous pouvons être assurés d'un certain succès.

Le Canada jouit de beaucoup de respect dans le monde entier. Nous n'inspirons pas de crainte. On nous juge dignes de confiance. Nous excellons à créer et à entretenir des alliances. Nous avons une excellente réputation de négociateurs. Nous avons de solides antécédents dans la rédaction et l'application de documents sur les droits de l'homme. Nous sommes même considérés comme des chefs de file. On nous fait confiance.

Il est vrai que, dans l'actuel climat d'austérité, nous avons dû réduire l'aide à l'étranger au grand regret de plusieurs, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Le gouvernement nous assure que ces compressions sont dictées par les circonstances plutôt que par l'idéologie et nous espérons que ce financement se rétablira lorsque nos finances auront été assainies. Jusqu'à maintenant, ces compressions ne semblent pas avoir gravement entamé notre réputation de professionnalisme et de bonne volonté. De plus, elles nous incitent à réfléchir davantage à notre stratégie pour investir les ressources disponibles au mieux dans l'intérêt de tous. Nous avons des points forts. Exploitons-les de manière constructive, réfléchie et clairvoyante.

Honorables sénateurs, le 21 mars est la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. La date a été choisie pour commémorer le massacre de Sharpeville, en Afrique du Sud, en 1960. Ce matin, j'ai eu l'extraordinaire plaisir d'entendre un haut-commissaire sud-africain parler de la primauté des droits de la personne. Le racisme n'est pas inné, a-t-il dit, mais nous l'acquérons dans l'enfance. Comme le racisme est acquis, on peut également s'en défaire, fût-ce au prix de grands efforts, d'une grande patience et d'une rééducation vigilante. L'évolution remarquable de son propre pays montre que c'est possible. Quelle meilleure solution, pour prévenir le racisme, que de travailler auprès des enfants.

Le haut-commissaire a conclu par un message de Nelson Mandela, dans lequel celui-ci remercie le Canada de la fermeté et du caractère constructif de son respect des droits de la personne, de son appui à ces droits. Le gouvernement canadien mérite un appui sans réserve pour avoir proposé dans le discours du Trône d'étendre ces efforts à la protection des droits des enfants.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

Code de conduite

Création d'un comité mixte spécial

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 19 mars, 1996, propose:

Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes pour former un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes qui sera chargé d'élaborer un code de conduite destiné à aider les sénateurs et les députés à concilier leurs responsabilités officielles et leurs intérêts personnels, y compris leurs relations avec les lobbyistes;

Que le comité soit composé de sept sénateurs et de quatorze députés;

Qu'il soit ordonné au comité de mener de vastes consultations et d'examiner les démarches adoptées à l'égard de ces questions au Canada et dans les régimes gouvernementaux comparables;

Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la première session de la trente-cinquième législature soient déférés au comité;

Que le comité ait le pouvoir de siéger pendant les séances et les périodes d'ajournement du Sénat;

Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire imprimer des documents et des témoignages dont le comité peut ordonner l'impression;

Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services d'experts, de professionnels, de techniciens et d'employés de bureau;

Que le quorum du comité soit fixé à onze membres lorsqu'il y a prise d'un vote, d'une résolution ou d'une décision, à la condition que les deux Chambres soient représentées et que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du comité soient présents et que les deux Chambres soient représentées;

Que le comité soit habilité à mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu'il jugera utiles, et à déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;

Que le comité ait le pouvoir d'autoriser la télédiffusion et la radiodiffusion de tous ses travaux;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 21 juin 1996;

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé au Sénat; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (orientation sexuelle). - (L'honorable sénateur Losier-Cool).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-2, un projet de loi qui modifiera la Loi canadienne sur les droits de la personne en ajoutant l'orientation sexuelle à la liste des motifs de distinction illicites prévue dans cette loi.

Nous savons que les tribunaux ont déjà décidé que la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être interprétée et appliquée comme si l'orientation sexuelle faisait partie des motifs de discrimination illicites. Cette position découle de la décision rendue dans l'affaire Haig c. Le ministre de la Justice. Et la ministre de la Justice a indiqué qu'elle acceptait cette décision de la Cour d'appel de l'Ontario.

Si nous voulons donner à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes l'assurance qu'ils bénéficieront de la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne, modifions la de la façon proposée dans le projet de loi.

Dans le rapport «Égalité pour tous» qu'il a déposé à la Chambre des communes, le sous-comité sur les droits et l'égalité a recommandé à l'unanimité, et je cite:

Que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée de façon à ajouter l'orientation sexuelle aux autres motifs de discrimination illicites tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation familiale, la déficience et l'état de personne graciée.

Dans sa réponse, le gouvernement s'est engagé à défendre le principe de l'égalité pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes et a promis de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que l'orientation sexuelle constitue un motif de discrimination illicite dans tous les domaines de compétence fédérale. Alors, honorables sénateurs, pourquoi modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne?

D'abord, il est important de dire que la Loi canadienne sur les droits de la personne est une loi antidiscrimination similaire aux lois sur les droits de la personne adoptées par toutes les province du Canada à la différence qu'elle s'applique aux secteurs de l'emploi, des services et du logement, qui sont de compétence fédérale.

Dans la Loi du Nouveau-Brunswick sur les droits de la personne, l'orientation sexuelle est incluse dans la liste des motifs de discrimination illicites. La Commission des droits de la personne de cette province a réussi à éliminer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Elle a fait beaucoup, non seulement pour détruire les mythes entourant l'orientation sexuelle, mais pour contrer la violence physique dont certains sont victimes en raison de leur orientation sexuelle.

Pourquoi m'intéresserai-je à la discrimination à l'égard des personnes homosexuelles? Honorables sénateurs, cette discrimination ne nous touche peut-être pas personnellement, mais elle touche de nos parents, de nos amis et de nos collègues de travail. Vous ne le savez peut-être pas, parce que ces personnes sont très discrètes au sujet de leur orientation sexuelle, par peur d'être rejetées ou victimes de discrimination. La discrimination contre les homosexuels pénalise aussi des personnes qui ne sont pas homosexuelles, mais dont on pense à tort qu'elles le sont.

Honorables sénateurs, voici ce que le projet de loi ferait:

Premièrement, les personnes homosexuelles, bisexuelles et hétérosexuelles auraient toutes exactement les mêmes droits.

Deuxièmement, une personne ne pourrait pas être congédiée ou évincée de son logement uniquement à cause de son orientation sexuelle.

Troisièmement, une personne ne pourrait se voir refuser l'accès à un service public - restaurant, taxi, services gouvernementaux - uniquement à cause de son orientation sexuelle.

Quatrièmement, les personnes hétérosexuelles seraient protégées si elle étaient victimes de discrimination parce qu'on les croit homosexuelles.

Finalement, on réduirait la violence faite aux personnes homosexuelles.

Voici ce que le projet de loi ne ferait pas:

Premièrement, les églises ne seraient pas obligées d'embaucher des prêtres homosexuels; une exception serait possible dans leur cas;

Deuxièmement, des organismes, par exemple le mouvement scout, ou l'Association des grands frères ou des grandes soeurs, ne seraient pas obligés d'accepter des personnes homosexuelles comme bénévoles étant donné que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique pas aux bénévoles.

Troisièmement, les employeurs pourraient toujours renvoyer des employés pour inconduite ou incompétence.

Quatrièmement, les propriétaires ne seraient pas obligés d'accepter des pensionnaires homosexuels; une exception s'appliquerait dans leur cas.

Le projet de loi n'aurait pas pour effet de légaliser les activités sexuelles qui sont actuellement illégales, étant donné qu'il n'a aucune incidence sur le Code criminel.

Lors d'un déjeuner organisé pour la journée visant à éliminer le racisme, le 21 mars, ce matin, un haut-commissaire de l'Afrique du Sud disait bien que les mots «orientation sexuelle» sont bien encastrés dans la Constitution de l'Afrique du Sud, adoptée par le gouvernement de M. Nelson Mandela.

En conclusion, honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que le Sénat a été le premier employeur fédéral à adopter une définition non discriminatoire de «conjoint de fait» dans la négociation collective. Le Sénat a alors fait preuve de leadership en la matière et il peut poursuivre sur cette lancée.

Le Sénat a un rôle spécial à jouer dans la protection des droits des minorités. Alors, honorables sénateurs, je vous demande de favoriser l'adoption du projet de loi S-2.

(Sur la motion du sénateur Berntson, au nom du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1620)

 

Projet de loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac

Deuxième lecture

L'honorable Stanley Haidasz propose: Que le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l'importation et la publicité des produits du tabac, soit lu pour la deuxième fois.

-Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je présente ce projet de loi. Ce projet de loi S-5 est pratiquement le même que le S-14 qui a été présenté au cours de la dernière session.

Le projet de loi S-5 vise à restreindre la fabrication, la vente, l'importation et la publicité des produits du tabac. En abrégé, c'est le projet de loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac. Il prévoit sept mesures, y compris des sanctions réglables par décret sur les conseils du ministre de la Santé, pour réglementer la teneur en tabac des produits du tabac vendus au Canada, et l'exigence qu'un avertissement du ministère de la Santé figure sur les paquets de cigarettes.

Je propose et recommande ce projet de loi à tous les sénateurs. Je le fais d'abord pour faire avancer le débat, et ensuite, en espérant qu'il soit très vite adopté.

Les sénateurs se rappelleront que l'ancienne ministre de la Santé a annoncé en décembre une politique provisoire de restriction des produits du tabac. En conséquence, la ministre a été avisée de mon projet de loi S-14 au cours de la dernière session, et elle m'a félicité par écrit de cette initiative, enjoignant le Sénat de tenir un débat et, au cours de l'étude du projet de loi au comité, des consultations publiques d'experts de l'industrie du tabac, dont des professionnels, des médecins et des spécialistes gouvernementaux de la santé.

Honorables sénateurs, le coût humain et économique énorme du tabagisme est bien connu. Et pourtant, comme l'industrie du tabac l'a déjà prouvé avec au moins trois marques de cigarettes ultra légères, il est possible de fabriquer des produits qui sont relativement sûrs, c'est-à-dire qui sont moins susceptibles de faire que les personnes qui fument pour la première fois prennent l'habitude de fumer.

Pour souligner les préoccupations réalistes à l'égard de la consommation régulière de tabac, je voudrais mettre en évidence un fait très pertinent. Pendant mes études médicales de premier cycle à l'Université de Toronto, j'ai eu la chance, en compagnie d'autres étudiants en médecine, de suivre les cours du docteur Norman Delarue, un chirurgien thoracique du Toronto General Hospital, un pionnier dans la recherche impopulaire consistant à exposer les rapports de cause à effet entre la consommation de tabac et le cancer broncho-pulmonaire. Il a ainsi sensibilisé un grand nombre d'étudiants à une série de risques qu'entraîne la consommation régulière de tabac - risques que, plus tard, des cliniciens ont lié à 26 maladies, qui peuvent toutes être prévenues si on arrête de fumer régulièrement.

Pour gagner du temps, je voudrais renvoyer les sénateurs à un article paru dans l'édition de juillet-août 1995 de la Revue canadienne de santé publique, pour obtenir de plus amples renseignements sur ces 26 maladies causées par la consommation de tabac.

Le fait que la consommation régulière de tabac cause le cancer de la bouche, du larynx, des poumons, du pancréas et de la vessie est maintenant incontestable. Un rapport récent de l'Organisation mondiale de la santé révèle que quelque 48 000 Canadiens sont morts prématurément en 1995 à cause de la consommation régulière de tabac, un tiers d'entre eux étant morts du cancer. Les épidémiologistes ont établi qu'environ 1 p. 100, soit quelque 400 personnes, des enfants surtout, meurent ou souffrent gravement chaque année des effets de la fumée des autres. Les non-fumeurs, les enfants surtout, s'ils sont exposés régulièrement à la fumée des autres, souffrent plus gravement que les fumeurs invétérés.

Je voudrais indiquer quelques raisons évidentes pour lesquelles la fumée du tabac ne peut pas faire partie de l'ordinaire d'une personne en santé. Santé Canada a diffusé un avis, le résultat d'années de recherches, qui décrit les composantes de la fumée de tabac. Les particules visibles à l'oeil nu ne représentent qu'un douzième seulement de la fumée de cigarette. Celle-ci contient de la nicotine à l'état gazeux, du benzène, de l'arsenic, du chlorure de vinyle, de l'acide cyanhydrique, du monoxyde de carbone, des radicaux libres toxiques, des composés d'ammoniac et d'autres toxines qui comptent en tout 4 000 substances, dont des métaux lourds toxiques. Plus de 50 de ces soi-disant goudrons sont considérés comme des déchets dangereux et ont des propriétés cancérigènes reconnues.

L'acide cyanhydrique est parmi les plus toxiques de ces substances. Parmi les métaux lourds, on trouve le plomb, qui est très toxique. Les enfants de fumeurs ont plus de plomb dans le sang que des enfants qui vivent près des usines qui produisent du plomb.

La fumée du tabac contient également des agents mutagènes, c'est-à-dire des substances qui peuvent provoquer des dommages génétiques aux cellules. Les enfants, et même les foetus, qui y sont exposés peuvent avoir des difficultés d'apprentissage, et être plus petits à la naissance. Ces enfants sont donc moins robustes et ont une espérance de vie moindre.

La plupart des ingrédients que renferme la fumée du tabac ne donnent guère lieu de s'inquiéter en petites quantités épisodiques. Toutefois, l'addition de produits chimiques étrangers dans le processus de production, comme les composés ammoniacaux pour accroître l'absorption de la nicotine par le sang et les pesticides et les agents humectants, peut aussi affecter la santé en incitant à fumer.

Le taux élevé de mortalité et de morbidité se traduit aussi par un fardeau économique considérable et des années de vie productive perdues, combinées à une escalade des coûts des soins de santé. Selon des estimations prudentes des économistes de la santé, en 1989, les décès et les maladies liés au tabac ont coûté 16 milliards de dollars à l'économie canadienne. Selon eux, si l'on aidait les fumeurs à arrêter de fumer, toute la dette nationale pourrait être éliminée en quelques années.

Une mesure législative pour inciter les fumeurs à arrêter de fumer signifie-t-elle la fin de la liberté de choix? On peut se poser la question. La réponse n'est pas celle proposée dans le projet de loi S-5. Premièrement, la dépendance à la nicotine, ce n'est pas une liberté de choix. Le projet de loi S-5 cherche à limiter les doses de nicotine pouvant créer une dépendance, notamment chez ceux qui fument pour la première fois. En second lieu, ce projet de loi ne supprime l'option ni des cigarettes à faible teneur en nicotine et en goudron, ni des thérapies approuvées à base de nicotine qui aident les gros fumeurs à réduire la quantité de nicotine qu'ils inhalent et dont ils ont un besoin maladif.

Des études très minutieuses révèlent que, pour beaucoup de consommateurs, le tabac est aussi toxicomanogène que l'héroïne ou même la cocaïne. Comme l'expliquait le sénateur Poulin il y a un instant, la dépendance qu'engendrent les barbituriques est suffisamment grave pour que nous adoptions des mesures législatives pour en contrôler l'utilisation. Quand jugera-t-on que cette accoutumance est suffisamment grave pour que l'on s'en préoccupe? Qu'on songe que le tabagisme est la cause de trois fois plus de décès prématurés et évitables que l'alcoolisme, les accidents de la route, le sida, les incendies, les meurtres et les suicides combinés. En fait, au Canada, la seule hécatombe qui pourrait être prévenue et qui fait plus de morts que le tabac, soit 48 000 en 1995, est l'avortement qui, chaque année, tue plus de 80 000 enfants à naître.

Honorables sénateurs, je pense que pour ces raisons il est urgent qu'en notre qualité de législateurs, nous réglementions la composition de ce qui est fabriqué, vendu et exporté comme produits du tabac à fumer.

Ce projet de loi établirait une norme de qualité pour les produits du tabac destinés à être fumés.

(1640)

Le projet de loi S-5 exigerait que tout produit du tabac ne contienne pas plus de 2 p. 100 d'additifs tels que des humectants, de l'ammoniaque et de l'arsenic et 0,1 p. 100 de contaminants tels que des pesticides ou des agents cancérigènes comme les goudrons et surtout ne contiennent pas des quantités de nicotine capables de créer l'accoutumance. L'article 4 de ce projet de loi fixerait une limite supérieure de nicotine de 0,3 mg par gramme de tabac, ce qui est inférieur au niveau actuel de 0,4 mg considéré par la recherche comme capable de créer l'accoutumance.

Honorables sénateurs, lors de la préparation de ce projet de loi, nous avons consulté notre section juridique et les spécialistes du ministère de la Santé et je les en remercie. En fin de compte, la Loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac fixe un niveau maximum de nicotine, ce qui est très important, étant donné que la nicotine est ce qui incite les gens à fumer de façon habituelle. Par conséquent, j'en appelle à la conscience de l'industrie du tabac, pour qu'elle reconnaisse le danger que représente le fait de fumer des cigarettes. J'invite également l'industrie à se conformer volontairement, c'est-à-dire à prendre les mesures nécessaires pour aider à résoudre ce grave problème. On sait qu'il est possible d'éliminer la nicotine du tabac. C'est très facile à éliminer.

Honorables sénateurs, je voudrais simplement ajouter deux autres points. Premièrement, j'ai demandé aux ministres des Finances, par le passé, d'accorder un dégrèvement fiscal aux fumeurs qui suivent des thérapies pour réduire leur consommation de tabac. Le ministère du Revenu national estime qu'au cours de l'exercice financier qui s'est terminé en 1995, un total d'environ 2 milliards de dollars a été collecté en taxes d'accise et en droits sur les produits du tabac. Pourtant, la totalité des engagements du gouvernement pour réduire la demande de tabac au cours du même exercice représente à peine 2 p. 100 de cette somme, soit 43 millions sur 2 milliards de recettes. Là-dessus, 6 millions seulement allaient à de la recherche pure, y compris le financement de l'administration du Bureau de lutte contre le tabagisme au ministère de la Santé. J'ai également écrit au ministre des Finances pour lui demander d'utiliser une partie des droits d'accise sur le tabac et l'alcool pour financer la recherche et le développement de thérapies plus efficaces et pour améliorer les mesures d'application de la loi de façon à limiter la contrebande de produits du tabac.

Deuxièmement, en ce qui concerne la diminution de la nicotine dans la cigarette ou l'augmentation des prix causée par l'industrie qui veut recouvrer ses profits, on a demandé si une réglementation favoriserait la contrebande. J'affirme sans hésiter que ce ne serait pas nécessairement le cas.

Honorables sénateurs, je ne prétends pas que le problème de la contrebande soit réglé, mais ce n'est pas par peur d'un chantage d'une menace de piraterie que les législateurs s'empêchent d'agir. L'industrie respectable, Imperial Tobacco par exemple, est loin de dire qu'une telle peur ou incitation limiterait son respect des règlements. Je crois que l'industrie du tabac est suffisamment importante pour admettre que le niveau d'accoutumance créé par la nicotine contenue dans les produits du tabac constitue une incitation indue à l'usage, indue parce qu'elle limite la liberté de choix qui est le fondement même de toute société démocratique.

Honorables sénateurs, avant de terminer je tiens à souligner que, si l'on tient compte de l'inflation et de la récente augmentation considérable de la mortalité due au tabac chez les femmes, le coût net, de 20 milliards de dollars par année au moins, que représentent pour l'économie canadienne les maladies, les déficiences et les décès dus à l'usage du tabac constitue une tragédie évitable, qui mérite notre attention. Des chiffres monstrueux comparables sont signalés dans tous les pays du monde. Nos producteurs de tabac devraient y voir des débouchés de plusieurs milliards de dollars sur le marché mondial pour des produits du tabac menant à un mieux-être et non à la déficience et à la maladie.

En terminant, honorables sénateurs, je vous invite à participer à ce débat sur un problème crucial pour notre pays, surtout en ces temps de crise où les coûts de gestion de la santé deviennent inabordables pour le Canada comme pour les autres pays. Nous, les sénateurs qui sommes les législateurs du Canada, devons manifester notre inquiétude, nous devons faire preuve de leadership quant au respect de la santé et de la vie humaine et donner l'exemple aux législateurs et aux gouvernements des autres pays, surtout à ceux du tiers monde où des produits du tabac nocifs, fabriqués au Canada, sont vendus.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, à l'instar d'autres projets de loi, celui-ci a été ressuscité depuis la prorogation. Avant la prorogation, un projet de loi semblable, soit le S-14, était à l'étude en comité. Nous ne voyons pas de raison de retarder indûment le renvoi de ce projet de loi au comité, où des réserves pourront être soulevées et des témoignages pourront être entendus.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Haidasz, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

 

L'enfance maltraitée et négligée

La mort de Matthew Vaudreuil-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le 28 février 1996:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la mort par maltraitance et négligence du petit garçon de cinq ans Matthew Vaudreuil causée par sa mère, Verna Vaudreuil, en juillet 1992; et l'enquête du juge Thomas J. Gove sur les services de protection de l'enfance en Colombie-Britannique relativement à l'horrible mort par maltraitance et négligence de Matthew Vaudreuil; et le rapport du juge Gove « Report of the Gove Inquiry into Child Protection in British Columbia » (novembre 1995).

-Honorables sénateurs, j'interviens pour attirer l'attention du Sénat sur la mort d'un petit garçon de cinq ans, Matthew Vaudreuil, tué par sa mère, Verna Vaudreuil, le 9 juillet 1992, et sur l'enquête subséquente du juge Gove en 1995.

L'histoire des mauvais traitements infligés aux enfants est longue et terrible. C'est une tragédie douloureuse et profondément troublante dont les formes les plus extrêmes nous font horreur. Ces graves manifestations de violence affectent notre coeur, notre âme et notre esprit.

Le juge Thomas Gove, membre de la Commission d'enquête sur la protection de l'enfance en Colombie-Britannique, exprime notre douleur universelle dans son rapport en ces termes:

[...] L'histoire de Matthew est fort triste et troublera de nombreux lecteurs, comme elle m'a troublé d'ailleurs.

Malgré 100 ans de preuves tangibles du rôle bien connu des femmes et des mères dans les mauvais traitements graves et même fatals infligés aux enfants, beaucoup refusent d'y croire. Il faut renoncer à cette incrédulité et prendre conscience des actes de violence commis par des femmes.

En 431 av. J.-C., le dramaturge grec Euripide écrit «Médée», une pièce au sujet de Médée et Jason et du meurtre de leurs deux fils par Médée. Médée, la magicienne grecque, aide Jason à s'emparer de la Toison d'Or. Lorsque Jason la quitte pour une autre femme, Médée se venge en planifiant et exécutant le meurtre de leurs deux fils. Elle déclare alors:

Que personne ne me considère comme une femme faible au coeur fragile qui s'assoit les mains jointes: non, on doit savoir que je suis tout le contraire - quelqu'un qui sait comment faire du mal à ses ennemis [...]

Médée pense que la façon la plus cruelle de faire du mal à son mari Jason est de tuer leurs enfants. En faisant promettre à sa servante de ne pas révéler son acte, Médée révèle l'essence de l'actuel problème de détection et de prévention de la maltraitance et la négligence des enfants en ces termes:

Ne dis rien des plans que j'ai préparés; ne dis pas un mot si tu es loyale envers ta maîtresse et envers la race des femmes!

Euripide a soulevé le problème moderne de la loyauté envers la race des femmes et son silence sur la violence féminine, particulièrement celle des mères envers leurs enfants. Ce terrible silence est fatal.

(1650)

Honorables sénateurs, ce n'est pas d'hier que des enfants meurent, victimes de mauvais traitements ou faute de soins adéquats. Dans un ouvrage intitulé Checks on Population Growth: 1750-1850, William Langer, professeur émérite d'histoire à l'Université Harvard, fait état du recours courant à l'infanticide comme moyen de régulation démographique. Une méthode très répandue consistait à faire avaler aux enfants que l'on voulait tuer un poisson appelé Godfrey's cordial, composé d'opium, de mélasse et de sassafras. Une autre méthode, qui portait le nom d'écrasement, consistait à suffoquer le nourrisson pendant qu'il tétait le sein maternel. Le plus souvent, les auteurs de meurtres d'enfants n'étaient jamais traduits devant les tribunaux, et ceux qui l'étaient s'en tiraient généralement, au dire de M. Langer, avec une peine légère. Celui-ci rapporte qu'un coroner londonien du nom de Edwin Lankester avait déclaré sous serment, au XIXe siècle, qu'il:

[...] n'était jamais venu à sa connaissance qu'une femme ait été punie pour avoir tué son bébé, quelque flagrantes que soient les circonstances.

M. Langer cite également un certain William Ryan, médecin, qui aurait déclaré en 1862:

[...] que l'infanticide n'est pas perçu de la même manière que les autres meurtres aux yeux du grand public. [...] Aucun crime n'attire plus de sympathie, même ceux qui sont les plus mal vus.

La plupart des documents se rapportant au mauvais traitement des enfants et aux antécédents psychologiques des enfants révèlent que les auteurs des actes de violence et des mauvais soins dont sont victimes les enfants sont leurs parents, le plus souvent leur mère.

Entre 1880 et 1930, le Canada a fait venir d'Angleterre nos plus jeunes immigrants. Quelque 80 000 enfants ont alors fait le voyage d'Angleterre au Canada. Sur ce nombre, 30 000 ont été envoyés par le docteur Thomas John Barnardo, qui dirigeait des foyers pour garçons et pour filles. À l'époque, les expressions «garçons de Barnardo» et «filles de Barnardo» faisaient même partie du vocabulaire de la toute récente aide à l'enfance. Ces immigrants, qui étaient des enfants abandonnés vivant dans la rue, dans des asiles et des foyers pour pauvres, ont donc été transportés d'Angleterre au Canada. Les plus jeunes ont été adoptés et les plus âgés, placés dans des fermes en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Il y a eu bien des réussites, mais également quelques tragédies. Une histoire tragique a été celle du jeune immigrant George Green, tué en 1895, à Owen Sound, en Ontario, par Helen Findlay, qui en avait la garde. Le médecin légiste, le docteur Allan Cameron, a témoigné que l'adolescent de 15 ans était mort par suite de négligence, de coups et d'inanition. Il a témoigné que l'image du corps de George Green et de la chambre où il était mort le poursuivrait jusqu'à la fin de ses jours et que, en 40 ans de médecine, y compris l'époque où il avait pratiqué dans les quartiers pauvres de Glasgow, il n'avait rien vu d'aussi terrible. Helen Findlay a été accusée de meurtre, sentence qui a ensuite été réduite à une accusation pour homicide involontaire. Elle a soutenu que le jeune immigrant était un enfant malingre, handicapé, totalement contrefait, bigleux, bossu et inutile. Elle a été libérée sans le moindre châtiment.

Honorables sénateurs, j'ignore combien d'entre vous connaissaient l'existence de ces «enfants de Barnardo», mais certains vivaient encore il y a trois ou quatre ans. La question des enfants morts par suite de mauvais traitements et de négligence, même si elle n'a pas été étudiée à fond par les gouvernements, est familière aux travailleurs du domaine social. En 1986, le docteur Cyril Greenland, professeur émérite de l'Université McMaster, a mené une étude sur cette question. Il a examiné et analysé les dossiers de 100 enfants morts par suite de mauvais traitements et de négligence, entre 1973 et 1982, ici, en Ontario. Les dossiers provenaient du bureau du coroner. Dans son livre, Preventing CAN Deaths: An international study of deaths due to child abuse and neglect, le docteur Greenland a signalé ce qui suit:

Les parents naturels sont responsables dans 63 p. 100 des cas. Les mères sont impliquées dans 38 p. 100 des cas, les pères, 13 p. 100 et les deux parents, 12 p. 100.

Au cours de l'étude de ces 100 cas menée par le docteur Greenland, trois autres cas de décès semblables ont été découverts dans les dossiers du coroner. Ces trois décès avaient d'abord été classés comme des cas de mort subite du nourrisson. Dans deux des trois cas, les parents ont par la suite reconnu avoir délibérément étouffé leur enfant.

Honorables sénateurs, en 1994, le Toronto Institute for the Prevention of Child Abuse publiait une étude intitulée «The Ontario Incidence of Reported Child Abuse and Neglect.» Cette étude passait en revue les enquêtes menées en 1993 sur les mauvais traitements infligés à des enfants, soit au total 46 683 cas relevés par les 54 sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario. Aux fins de cette étude, les mauvais traitements infligés aux enfants incluaient toutes formes de sévices, abus sexuel, négligence ou mauvais traitement d'ordre émotif. Voici les constatations faites: sur le nombre total de plaintes fondées de mauvais traitement, la mère était en cause dans 49 p. 100 des cas et le père dans 31 p. 100 des cas. Au chapitre de la négligence à l'égard des enfants, la mère était en cause dans 85 p. 100 des plaintes fondées. Pour ce qui est des sévices, la mère biologique était en cause dans 39 p. 100 des plaintes fondées, et le père biologique dans 40 p. 100 des cas. En ce qui a trait aux mauvais traitement d'ordre émotif, la mère était en cause dans 79 p. 100 des cas. Les auteurs de l'étude ont constaté que:

Les garçons étaient surreprésentés en particulier en ce qui a trait aux sévices, particulièrement dans le groupe des 0 à 3 ans, pour lequel 59 p. 100 des enquêtes menées visaient des garçons.

Les garçons âgés de 4 à 11 ans étaient les victimes dans 55,5 p. 100 des cas. Le groupe ayant le plus souvent fait l'objet d'une enquête, soit dans 35 p. 100 des cas, était celui des familles monoparentales ayant une femme à leur tête.

Honorables sénateurs, la mortalité infantile est un phénomène terrifiant. La survie des enfants de sexe masculin n'a guère reçu d'attention ces derniers temps. Voyons un peu quelle est la situation. Je viens de dire que 59 p. 100 des enquêtes portant sur des sévices visaient des garçons âgés de 0 à 3 ans. Les garçons sont les principales victimes de violence physique de la part des parents. Dans son livre intitulé Social Development: Psychological Growth and the Parent-Child Relationship, le docteur Eleanor Maccoby écrit qu'il en est ainsi même chez les primates moins développés, tels que les singes. L'auteur écrit:

Il faut savoir que même chez les guenons, un certain degré de socialisation différentielle existe. Par exemple, celles-ci punissent plus les jeunes mâles que les jeunes femelles, tout comme le font les êtres humains.

Le docteur Maccoby ajoute:

[...] les parents ont plus souvent des cycles d'interaction mutuellement coercitifs avec leurs fils.

Nous savons que les enfants de sexe masculin élevés par des mères seules ou dans des foyers où le père est absent sont plus susceptibles d'adopter un comportement agressif ou de souffrir de troubles de comportement. Nous savons que les querelles familiales ont des conséquences négatives sur les enfants de sexe masculin et que leurs troubles de comportement de même que leur attitude anti-sociale proviennent de ces querelles. Le docteur Eleanor Maccoby affirme que les foetus de sexe masculin sont plus vulnérables pendant la grossesse ou l'accouchement:

On constate une plus forte proportion d'avortements spontanés de foetus de sexe masculin que de foetus de sexe féminin; le rapport relativement égal de masculinité des naissances est attribuable seulement au fait que plus d'enfants de sexe masculin sont conçus que d'enfants de sexe féminin. Les diverses malformations congénitales sont plus fréquentes chez les nouveaux-nés de sexe masculin [...] La plus grande susceptibilité des enfants de sexe masculin est un fait établi, bien qu'inexplicable.

Selon les statistiques de l'état civil pour 1984 diffusées par le registraire général de l'Ontario, les nouveaux-nés de sexe masculin sont plus vulnérables pendant la période post néonatale, car ils comptent pour 58 p. 100 des décès chez les enfants âgés de 0 à 12 mois. Toujours selon les données pour 1984, 394 nouveaux-nés âgés de moins de 28 jours sont décédés, dont 230 enfants de sexe masculin.

Honorables sénateurs, devant la triste réalité se dégageant de plus d'un siècle d'histoires d'enfants maltraités, de statistiques, de rapports, d'études, d'enquêtes, de victimes et de décès, et compte tenu des sommes considérables consacrées à la protection des enfants, il semble incompréhensible que, selon les données de Statistique Canada, il y ait eu 27 homicides d'enfants de moins d'un an en 1994, ce qui représente une hausse renversante par rapport à la moyenne des dix dernières années, qui était de 20. Ce nombre augmente. Les enfants continuent de mourir aux mains de leurs parents et de leurs gardiens, et beaucoup de ces décès ne sont pas classés ou détectés comme étant des homicides. J'étais très heureuse d'apprendre ces derniers jours que le bureau du coroner de l'Ontario faisait enquête sur les cas de mort subite du nourrisson et qu'il exhumait même des corps. En examinant les décès infantiles pour l'année 1986, le docteur Jim Cairns, coroner adjoint de l'Ontario, a dit qu'il estimait qu'au moins 10 décès par année étaient suspects, et que c'était là une estimation prudente. Il est question de cela dans un article du Toronto Sun intitulé «Tuer impunément» et dans un article du Toronto Star qui disait que les policiers avaient rouvert 20 dossiers de mort subite du nourrisson. Ces articles nous disent que, en Ontario, au cours de la dernière décennie, au moins 100 bébés dont le décès a été classé comme un cas de mort subite du nourrisson ont probablement été tués ou maltraités.

Honorables sénateurs, l'exemple que je donne aujourd'hui est le décès des suites de mauvais traitements et de négligence de Matthew Vaudreuil, 5 ans, qui a été tué par sa mère, Verna Vaudreuil. L'enfant est mort asphyxié lorsque sa mère lui a couvert le nez et la bouche avec sa main. Autrement dit, elle l'a étouffé. Verna Vaudreuil a été reconnue coupable d'homicide involontaire coupable et condamnée à une peine d'emprisonnement de dix ans, qui a ensuite été réduite à 4 ans lors de l'appel. Le juge Thomas Gove a été nommé commissaire pour faire enquête sur la mort de Matthew, et son rapport publié en novembre 1995 est intitulé «Report of the Gove Inquiry into Child Protection in British Columbia». Le juge Gove a examiné avec soin la courte vie de ce petit enfant vulnérable, vie qui n'aura été qu'une succession de souffrances. Dans son rapport, il a décrit Matthew au moment de sa mort, en ces termes:

[...] Matthew ne pesait que 36 livres.

Honorables sénateurs, ce garçon de 5 ans ne pesait que 36 livres.

Son visage, ses bras, ses jambes et son dos étaient couverts d'ecchymoses. Il y avait sur ses épaules et ses poignets ce qui semblait être des brûlures causées par une corde, comme s'il avait été attaché. Ses fesses étaient couvertes d'ecchymoses et de marques de coups. Il avait une fracture du bras, 11 côtes fracturées et ce qui semblait être une empreinte de pied dans le dos. Matthew avait été torturé et privé de nourriture avant d'être tué.

Le juge Gove poursuit en ces termes:

Sans compter les superviseurs, 21 travailleurs sociaux du ministère avaient été chargés de lui donner des services. Au moins 60 rapports sur sa sécurité et son bien-être avaient été envoyés au ministère. Il avait été amené au ministère. Il avait été conduit chez le médecin 75 fois et avait été vu par 24 médecins différents.

Le juge Gove concluait son rapport en déclarant que, pendant tout le supplice qu'a été sa courte vie, Matthew

[...] n'avait été protégé [...] ni par sa collectivité ni par ceux qui ont la responsabilité de protéger les enfants en Colombie-Britannique.

et

Résultat [...] il est mort.

Le rapport du juge Gove nous apprend que, six jours après le décès de Matthew, la surintendante des services à la famille et à l'enfance a autorisé un réexamen du cas de Matthew, mais elle n'a ordonné un réexamen complet que le 3 mars 1994, soit deux ans plus tard. Au sujet de cette dernière décision, le juge Gove concluait ce qui suit:

[...] le réexamen complet du cas de Matthew a été motivé d'abord et avant tout par la volonté de contrer la mauvaise publicité visant le ministère et son personnel.

Le juge Gove déclarait également ceci au sujet des actions de la surintendante:

Dans la dernière version de son rapport, la surintendante avait éliminé toutes les déclarations de l'inspecteur qui critiquaient le ministère, elle avait amoindri ou éliminé toute mention des mauvaises méthodes utilisées par les travailleurs sociaux du ministère dans le cas de Matthew et, de plus, elle avait inversé ou déformé les constatations de l'inspecteur.

Honorables sénateurs, je ne parle pas de faits survenus il y a 100 ans, mais deux ans seulement.

La version finale du rapport de la surintendante constituait une tentative de camouflage des fautes professionnelles des travailleurs sociaux du ministère et un effort pour soustraire le ministère des Services sociaux à tout blâme.

Le juge Gove ajoutait:

[...] les très mauvaises décisions prises par les travailleurs sociaux et par les surveillants de district qui se sont occupés du cas de Matthew résultaient directement d'un mauvais processus décisionnel et d'une piètre gestion à la haute direction du ministère.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je demande la permission de poursuivre. Je n'en ai que pour quelques minutes.

Son Honneur le Président: D'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Le rapport Gove montre ensuite que le cas de Matthew n'est pas unique. On y apprend que le surintendant et le surintendant adjoint des services à la famille et à l'enfance avaient en leur possession des dossiers qui révèlent que, de 1986 à 1995, le ministère a été informé de la mort de 264 enfants qui étaient soit placés sous la protection du surintendant, soit connus parce qu'ils avaient fait l'objet de rapports des services de protection ou de demandes de services.

Au cours de son enquête, le juge Gove a examiné les dossiers de 63 enfants morts qui, comme Matthew, n'étaient pas placés sous la protection du ministère. Parmi ceux-ci, 49 enfants avaient fait l'objet d'une plainte des services de protection avant leur mort. Voici ce que donne l'examen des dossiers de ces 49 décès:

Dans 12 des 49 cas, le ministère avait examiné la plainte des services de protection et jugé qu'elle n'était pas fondée ou que l'enfant ne courait pas de risque. Pour certains, on a tranché ainsi la question sans que le ministère fasse une enquête poussée. Quatre de ces enfants ont plus tard été tués par d'autres personnes, quatre autres sont morts dans des circonstances suspectes, deux sont morts dans un incendie jugé suspect et, pour deux autres décès, on a accusé le syndrome de la mort subite du nourrisson.

C'est terrible. Honorables sénateurs, les services de protection de l'enfance ont manqué à leur devoir envers Matthew et ces enfants, et le juge Gove a précisé pourquoi. Il a dit:

Bien que le ministère ait eu le pouvoir légal et financier d'assurer des services de protection à Matthew, les services ont en réalité été axés davantage sur les besoins de la mère. Le ministère et ses employés [...] ont oublié la raison d'être d'un service de protection de l'enfance et qui en est la véritable clientèle cible.

J'insiste: le ministère et ses employés avaient oublié la raison d'être d'un service de protection de l'enfance et qui en était la véritable clientèle cible. Cet enfant avait besoin d'être protégé de sa propre mère, mais l'organisation protégeait plutôt la mère - et ce phénomène est très courant dans le secteur des services sociaux destinés aux enfants, où les travailleurs ne sont pas sûrs de ce que doit être leur rôle.

Honorables sénateurs, les journaux signalent chaque jour des cas de mauvais traitements contre des enfants. Récemment, le 9 décembre 1995, le Toronto Star parlait de l'histoire tragique de la petite Afua Boateng, une fillette de 4 ans de Rexdale, dont la mère a été inculpée de meurtre au deuxième degré. Le Star citait Colin Maloney, le directeur de la Société catholique d'aide à l'enfance de la communauté urbaine de Toronto, disant: «Nous avions connaissance de ce cas depuis cinq semaines [...]». En fait, le Toronto Star nous dit qu'une travailleuse de l'aide à l'enfance avait visité la maison d'Afua la journée avant que la fillette soit trouvée morte et avait signalé que tout semblait normal. Une voisine, mécontente du rapport de la travailleuse sociale disant que tout allait bien, était allée vérifier et avait trouvé le corps d'Afua.

Honorables sénateurs, le juge Gove met en cause les agences de protection de l'enfance de Colombie-Britannique dans le cas de Matthew Vaudreuil, en disant que nombre de décisions prises étaient:

[...] basées sur les intérêts des travailleurs sociaux, l'intérêt de Verna Vaudreuil ou l'intérêt du ministère, plutôt que l'intérêt de Matthew. Si ces décisions avaient été prises en fonction de l'enfant, il est probable que Matthew aurait été placé, soit en accord avec les parents, soit par mesure de prudence.

L'État doit abandonner le principe que les intérêts de l'enfant sont les mêmes que les intérêts de la mère. Le rapport Gove laisse entendre que la protection de l'enfance doit modifier la façon dont elle voit les choses, de sorte que:

[...] la sécurité et le bien-être de l'enfant soient les considérations premières.

Honorables sénateurs, les gouvernements doivent cesser de partir du principe que l'enfant est la propriété de sa mère et que l'intérêt de la mère est l'intérêt de l'enfant. Les agences et les travailleurs de la protection de l'enfance doivent une loyauté totale aux besoins de l'enfant, à sa sécurité et à son bien-être, surtout dans les situations où, clairement, c'est la mère qui est responsable des mauvais traitements. Les mauvais traitements et la mort de Matthew Vaudreuil nous couvrent tous de honte.

Le rapport du juge Thomas Gove est une contribution énorme au bien-être de l'enfant dans ce pays et je l'en félicite.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

Les institutions financières

Autorisation au comité des banques et du commerce d'entreprendre une étude

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Kirby, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier du Canada;

Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la première session de la trente-cinquième législature et tout autre document parlementaire ou témoignage pertinent concernant ce sujet soient renvoyés à ce Comité;

Que le Comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 12 décembre 1996.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures, le mardi 26 mars 1996.)

 


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